La semaine de Claude Weill
Lundi
Le chroniqueur renverse son café en entendant Delphine Batho, candidate à la primaire EE-LV, énoncer comme une évidence :
« La décroissance, c’est plus d’emploi, plus de bien-être. La décroissance n’est pas la récession. » Tiens donc… Expliquez-nous ça. Et la députée de citer comme exemples d’économie vertueuse : les brocantes et Le Bon Coin. En somme, le vide-greniers serait l’avenir radieux de l’humanité.
À ce stade, tout le café est renversé. Delphine Batho n’est pas seule sur cette ligne décroissante, qui est aussi celle de sa rivale Sandrine Rousseau. Tandis qu’Eric Piolle et Yannick Jadot préfèrent louvoyer : pour la bonne croissance, contre la mauvaise. Pardi ! Point de vue d’écologistes marginaux ? Selon un sondage vieux de , les deux tiers des Français seraient favorables à la décroissance définie comme
« la réduction de la production de biens et services pour préserver l’environnement et le bien-être de l’humanité ». Dit comme ça, évidemment…
Le problème, c’est que cette alternative – la bourse ou la vie, en somme – est biaisée.
C’est un choix impossible.
Car cent précédents montrent que si la croissance ne fait pas forcément le bonheur, la décroissance fait à coup sûr le malheur. C’est moins de richesse produite et distribuée, moins d’emplois, moins d’argent pour payer la protection sociale et les services collectifs, etc. La solution, ce n’est pas ou/ou. C’est et/et. Combiner le développement économique et la préservation de la planète. Seule la croissance permettra de financer les avancées scientifiques et techniques qui permettront de résoudre les problèmes… nés du développement économique. Tel est le destin de l’humanité, depuis qu’un lointain ancêtre a eu l’idée de briser un caillou pour s’en faire un outil.
Mardi
Il est mort en Romain. Debout. On pourrait presque écrire : en marchant, car la marche était son allure favorite. On ne réfléchit bien qu’en marchant. Fin magnifique d’une vie si riche
qu’on ne sait quelle facette en retenir au moment où Axel Kahn s’en va : le biologiste, le généticien, l’essayiste, le président de la Ligue contre le cancer (putain de cancer !). Disons : l’humaniste. Cet alliage d’intelligence et de bienveillance qui faisait qu’on ne pouvait pas écouter cet homme sans le respecter. Ni le connaître sans l’aimer.
Mercredi
C’est le genre de nouvelle qu’il faut aller chercher en bas de page. Les apiculteurs ont connu en une année exceptionnelle. Leurs abeilles ont produit tonnes de miel (+ %). Ceci grâce à l’augmentation du nombre de ruches et à une météo favorable. La récolte eûtelle été mauvaise qu’on en aurait parlé bien davantage, avec rappel des sombres prophéties liées à la prochaine disparition des abeilles. Si le chroniqueur a sauté sur cette information, c’est qu’avec quelques décennies de journalisme dans les jambes, il n’a toujours pas compris pourquoi seules les mauvaises nouvelles ont droit aux gros titres. Good news is no news, dit-on en anglais. Appelons ça déformation professionnelle.
Jeudi
Le référendum constitutionnel sur le climat n’aura donc pas lieu.
Ça s’est joué sur un mot, un verbe sur lequel députés et sénateurs n’ont pu s’accorder.
Il s’agissait d’introduire à l’article I :
er
« La République garantit la préservation de l’environnement, etc. » « Garantit » est trop contraignant, dit la droite sénatoriale. Elle propose « préserve ». Puis se ravise : ce ne sera pas « préserve » mais « agit pour la préservation ». Fin du ping-pong sémantique. Échec du projet.
Comme il se doit, la majorité et la droite se renvoient la responsabilité. Tandis que les écolos accusent les macronistes d’avoir manoeuvré pour enterrer la promesse d’Emmanuel Macron. La politique, quoi. Calculs et arrière-pensées mis à part (bien sûr, c’est LR qui a fait capoter l’opération ; et le chef de l’État n’est peut-être pas si fâché que ça d’être débarrassé d’un référendum qui n’allait pas sans risque), on notera, pour se mettre tout le monde à dos, que :
. « Garantit », qui implique une obligation de résultat, semblait bien présomptueux ; . L’impératif écologique
(y compris, donc, la préservation de l’environnement) figure déjà dans la Charte de l’environnement introduite dans le préambule de la Constitution en .
Vendredi
Sept mille reprises, « likes », plus de commentaires, ironiques ou furibards, facétieux ou incrédules. L’événement Twitter du jour est signé Didier Raoult : «Auvudes enjeux de l’épidémie actuelle, je suis favorable à la vaccination systématique des personnels soignants […] J’encourage donc tous mes collègues à se rapprocher de leur centre de vaccination. » Quand on se souvient des philippiques du professeur de Marseille contre la vaccination (« de la science-fiction », «undéfi idiot », « une connerie rabâchée par les médias », et il y a une semaine encore, contre toute évidence, «on a une mortalité comparable chez les gens vaccinés ou non »), quand on sait son aura dans la planète anti-vaxx et vaccinosceptique, ces lignes ont provoqué parmi les réfractaires une onde de choc à peu près comparable à celle qui secouerait l’Église catholique si le Pape apparaissait au balcon du Vatican pour annoncer urbi et orbi qu’il ne croit plus en Dieu. Laissons les déçus du raoultisme à leur dépit ou leur déni (« son compte a été piraté », « il a eu peur de finir comme Coluche », et autres élucubrations) et constatons pour nous réjouir que face au risque d’une quatrième vague, Didier Raoult, le rebelle antisystème, a tout simplement rejoint le consensus médical. Sur cette bonne nouvelle, le chroniqueur prend congé et vous souhaite à tous des vacances no-Covid.
« Selon l’écologiste Delphine Batho, le vide-greniers serait l’avenir radieux de l’humanité. »