Titane, palme choc
Âmes sensibles s’abstenir ! Hier soir, avec Titane, le jury a laissé rentrer les monstres dans le Grand Auditorium Lumière. Une Palme d’or que les moins de seize ans ne pourront pas connaître…
Des couics, des couacs et des claques. Doria Tillier, maîtresse d’une cérémonie chahutée par l’intempérance de Spike Lee, n’a pas bullé. Courant dans sa « robe Malabar » (rose bonbon, donc) vers le président du jury qui menaçait de dévoiler son palmarès de façon assez prématurée. Leos Carax absent, mal aux dents, déléguant les Sparks pour lui rapporter le Prix de la mise en scène qui venait de lui être décerné. Et le Texan Caleb Landry Jones, 31 ans, se giflant par trois fois en recevant, incrédule, le Prix d’interprétation masculine. Passé le mauvais temps, l’exMiss Météo de Canal+ a sauvé le protocole à grandes enjambées. Depuis la récompense pour le court-métrage de Tang Yi, robe couleur or et baskets tout confort, jusqu’à la Palme d’or de Julia Ducournau. Solide, mais pas légère dans le propos, la réalisatrice de Titane. Qui n’est guère du genre à signer un film « sous la pression du boxoffice et des algorithmes » ,de ceux que réprouve Oliver Stone. « On dit du mien qu’il est monstrueux ? La monstruosité, c’est une arme et une force pour repousser la normativité qui nous enferme et nous sépare. » Appelant de ses voeux «un monde plus inclusif et plus fluide », la grande gagnante de cette 74e édition rejoint Jane Campion dans la liste des femmes auréolées du trophée. Elles sont deux. Auparavant, exhortation du réalisateur thaïlandais de Memoria au gouvernement de Bogotá. Apichatpong a tourné dans la jungle colombienne, et déplore les ravages qu’y a fait la Covid : «Réveillez-vous. Et travaillez pour votre peuple ! »
Plus consensuel, l’hommage très latin de Paolo Sorrentino à Marco Bellocchio, qui lui répond en italien. Louant au passage le regretté et « grandissimo » Michel Piccoli. En français, à peu près, Adèle Exarchopoulos, héroïne de Rien à foutre , est en panique : « J’suis trop heureuse d’être là. Mais j’suis timide. Doria, il faut que tu m’aides ! »
Une actrice en stress, des juré(e)s en strass, Spike Lee arc-en-ciel, Tahar Rahim immaculé. Et Mylène sculpturale. Un dernier entrechat après l’escalade des prix. Elle a raté l’aïoli, mais a réussi sa sortie.
« Merci au jury de laisser entrer les monstres. Pour un monde plus inclusif et plus fluide. »