Ils veulent percer le mystère des coraux du cap Corse
Immergée trois semaines dans une capsule, une expédition cherche à comprendre l’origine de curieux anneaux uniques au monde.
Installés dans une capsule jaune de cinq mètres carrés au large de la Corse, soumis en permanence à la pression des grandes profondeurs sousmarines, quatre plongeurs, dont le photographe Laurent Ballesta, tentent de percer le mystère de vastes anneaux de corail.
Il y a dix ans, une campagne d’exploration par sonar dans le parc naturel marin du cap Corse et de l’Agriate, au nord de l’île, faisait apparaître un millier de formations coralligènes circulaires, d’un diamètre de 30 mètres. Situés entre 115 et 140 mètres de profondeur, ces anneaux regorgeant de biodiversité et semblant uniques au monde n’avaient jamais été visités par des plongeurs avant l’expédition Gombessa 6, ce mois-ci.
« Extrêmement déroutant »
« Ce sont des dessins inexplicables, certains se touchent, d’autres sont séparés. Certaines porcelaines et des limaces de mer [qui y vivent] pourraient être de nouvelles espèces pour la science » ,décrit
Laurent Ballesta, chef d’expédition, qui a observé dans le passé des requins et mérous au large de la Polynésie française ou exploré les fonds de l’Antarctique.
« C’est extrêmement déroutant : Est-ce qu’on est au milieu de quelque chose de biologique et en construction, ou au contraire est-ce qu’on est sur des vestiges de quelque chose qui a eu lieu dans le passé ? », raconte-t-il. « Un mystère, on ne s’en lasse pas tant qu’on ne l’a pas résolu », poursuit ce photographe et biologiste français originaire de Montpellier, la voix déformée par le mélange gazeux composé de 94 % d’hélium et seulement 6 % d’oxygène qui lui permet de respirer au sein de la capsule jaune. L’échange avec les journalistes se limite à des signes via le hublot et le dialogue se mène par visioconférence.
Car pour plonger au plus près de ces mystérieux « atolls coralligènes », Laurent Ballesta et ses coéquipiers - Antonin Guilbert, Thibault Rauby et Roberto Rinaldi - ont dû accepter de vivre durant trois semaines, du 1er au 20 juillet, dans une « station bathyale ».
Cette unité, d’où ils mènent leurs plongées quotidiennes dans les grands fonds, flotte en surface, amarrée à une barge tirée par un remorqueur de la Marine nationale française, et se compose de trois parties : un lieu de vie avec deux lits superposés, une table et un passe-plats pour recevoir la nourriture, un sas vestiaire et une tourelle de plongée.
Eviter les paliers de décompression
Dans la capsule jaune, lieu de vie et de repos, ils sont maintenus sous une pression équivalente à celle de 120 mètres de fond – treize fois plus importante que sur la terre ferme – pour éviter les paliers de décompression à effectuer lors de chaque plongée. Chaque jour, si la météo le permet, ils plongent durant environ quatre heures. Une tourelle de trois mètres carrés faisant office d’ascenseur leur permet d’atteindre les fonds marins et de s’élancer vers les anneaux.
Ce quotidien consacré à la recherche est rendu possible par une quarantaine de biologistes, techniciens et militaires déployés en soutien, ainsi que par le robot Rov capable d’une reconnaissance à plus de 300 mètres de profondeur. «Ily a trois objectifs, pose Julie Deter, directrice scientifique de l’expédition : découvrir l’origine de ces anneaux, inventorier la biodiversité associée [...] et identifier les menaces qui pèsent sur ces écosystèmes. » Une trentaine de scientifiques français et étrangers, des universités d’Aix-Marseille mais aussi de Liège, Bruxelles (Belgique), Monaco ou Ancone (Italie) analyseront ensuite « pendant des mois les données prélevées par les plongeurs ».