« L’Oréal Paris veut pouvoir représenter toutes les femmes »
Première femme à diriger la marque à l’échelle mondiale, Delphine Viguier-Hovasse veut accélérer le virage vert de l’entreprise. Et s’engager toujours davantage en faveur des femmes.
On retravaille les formules afin qu’elles demandent
moins d’eau”
Elle a des yeux de jais rieurs, vibrants. Quand elle parle de L’Oréal Paris, la marque qu’elle dirige depuis deux ans, elle s’enflamme. Les mots s’enchaînent avec passion. Née à Perpignan il y a 48 ans, Delphine Viguier-Hovasse est la première femme à occuper le poste de directrice générale internationale de L’Oréal Paris. Ingénieure agronome de formation, passionnée du monde vivant, elle est entrée dans la maison de cosmétiques il y a 24 ans pour intégrer un laboratoire, avant de se laisser séduire par le marketing. Son amie, l’actrice Leïla Bekhti, qui est aussi porte-parole de la marque, dit fièrement d’elle qu’elle est « un magnifique exemple de réussite. Tout en restant intègre, profondément humaine. Elle est un modèle. »
Rencontre, sans fard, avec Delphine Viguier-Hovasse, femme au top, pendant le 74e Festival international du film de Cannes, dont L’Oréal est partenaire depuis un quart de siècle.
Le slogan « Parce que je le vaux bien » a cinquante ans. Est-il toujours d’actualité ?
C’était un message de confiance en soi et de force. Je pense qu’il est plus d’actualité que jamais. Quels que soient les pays, sur l’égalité hommes-femmes, on a encore un peu de travail à faire ! La crise de la Covid n’a pas aidé. On sait que les femmes en ont été davantage victimes. Elles sont davantage restées à la maison, ont davantage perdu leur emploi. L’estime de soi des femmes, et plus encore après cette crise, est toujours d’actualité. Tout comme le slogan. Et je crois que ma mission sera terminée quand on n’aura plus besoin de dire aux femmes qu’elles le valent bien !
« Parce que le futur le vaut bien » en est une déclinaison récente. Quels sont les engagements écologistes de L’Oréal Paris ?
S’engager pour la planète, tout le monde doit le faire. En tant que leader mondial de la beauté, on a notre rôle à jouer. On a décidé de réduire les émissions de CO de % avant la fin de l’année .
Concrètement, qu’est-ce que ça change pour le consommateur ?
Nous travaillons autour de trois axes. Les formules, où l’on passe d’une chimie classique à une chimie verte. Pour le packaging, on utilise % de plastique recyclé et recyclable, et du verre recyclé. C’est déjà le cas sur les produits Elsève, mais on va l’étendre à toute la marque.
Le carton est recyclé et recyclable aussi. Ensuite, il y a un énorme travail à faire sur le transport de nos produits. On veut favoriser le transport électrique sur toute la chaîne. Une grande partie du CO émis l’est chez notre consommatrice. Quand elle utilise de l’eau chaude pour se rincer les cheveux, essentiellement. Donc nous travaillons sur la rinçabilité de nos produits. On change tout ce que l’on peut chez nous. Chez le consommateur, ce sera plus graduel. S’il est davantage enclin à acheter une marque engagée pour la planète, il n’est pas très prêt à changer sa routine radicalement !
De grands groupes réinvestissent aussi dans des projets pour l’environnement. Et vous ?
Nous faisons de la compensation, de la captation de CO dans l’atmosphère. On a lancé trois projets internationaux aujourd’hui. Dont un de protection de la forêt au Honduras, qui me tient tout particulièrement à coeur car il est porté par les femmes. Les bénéfices financiers qu’elles reçoivent servent à l’éducation.
Vous êtes la première femme à ce poste, ça semble assez fou pour une marque qui s’adresse surtout aux femmes…
Si la marque L’Oréal existe depuis , la marque L’Oréal Paris comme entité avec un pilotage mondial n’existe que depuis . On n’a pas non plus trop traîné !
Après, il faut savoir que l’on pratique l’égalité salariale totale entre les hommes et les femmes à niveau de poste équivalent et que l’équilibre hommes-femmes est complètement respecté. Il y a même un peu plus de femmes, dans le comité de direction notamment. On veille aussi à la diversité des origines ethniques, des couleurs de peau, des langues parlées. On y tient parce qu’on veut bien parler au monde entier.
La diversité est aussi dans le choix de vos porte-parole…
On a envie d’avoir à la fois des très jeunes femmes comme la chanteuse compositrice Yseult avec qui l’on vient de signer. Mais aussi des femmes plus installées avec une carrière inspirante comme Jane Fonda, Helen Miren ou Andie McDowell. Chacune, à des étapes diverses de sa carrière, montre un peu la voie. Par le passé, on a peut-être eu un problème d’identification avec une image de femme inaccessible, trop parfaite, trop blonde. Aujourd’hui, on veut vraiment arriver à représenter toutes les femmes, tous les corps.
À Cannes, L’Oréal Paris distingue cette année pour la première fois une réalisatrice…
La crise de la Covid a immobilisé l’industrie du cinéma, et nous nous sommes dit que l’on pouvait, à notre échelle, contribuer à redynamiser l’industrie en aidant financièrement une réalisatrice prometteuse et en créant Lights on Women, un prix doté de
euros. C’est ensuite Kate Winslet, qui vient de devenir porte-parole L’Oréal Paris, qui visionne la sélection de films et choisit l’heureuse élue.
Kate Winslet qui, d’ailleurs, refuse catégoriquement que l’on retouche ses photos. N’est-ce pas contradictoire avec L’Oréal Paris ?
Elle valide tout. Et elle voit tout ! J’avais envie de mettre en avant sa beauté naturelle. Et je voulais aussi qu’elle soit porte-parole pour ses engagements vis-à-vis des femmes. Elle s’est exprimée à la tribune de l’ONU notamment contre les violences faites aux femmes. Elle est féminine et féministe, comme notre marque.
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Les femmes ont été davantage victimes de la crise sanitaire”