Accroché au trône
Tadej Pogacar va remporter sa deuxième Grande Boucle, ce soir. Le grimpeur de 22 ans a maîtrisé son sujet pendant trois semaines. Début d’hégémonie ?
C’est le plus fort » en 2021, mais pas question d’en déduire une mainmise absolue de Tadej Pogacar (UAE) sur les prochains Tours de France, avertissent plusieurs anciens Maillots Jaunes à la veille du deuxième sacre consécutif du Slovène. « Rappelez-vous de (Egan) Bernal ! », sourit Andy Schleck. Après sa victoire en 2019 à 22 ans, « tout le monde a dit qu’il allait partir pour cinq Tours de France et finalement il n’en a gagné qu’un à ce jour », souligne le Luxembourgeois, vainqueur du Tour 2010 après le déclassement d’Alberto Contador. Interrogé sur l’avènement d’une « ère Pogacar », le Slovène lui-même a jugé cette hypothèse « idiote » : « Une nouvelle génération est en train d’émerger, avec Tom Pidcock, Mathieu van der Poel, Wout van Aert, Jonas Vingegaard, Remco Evenepoel… on va avoir de sacrées batailles », s’est délecté par avance Pogacar. « Prématurée » pour l’ancien double vainqueur Bernard Thévenet (1975 et 1977), la question de son emprise sur les prochains Tours se justifie pourtant au vu de sa domination sans partage en 2021.
Zéro pépin
Triple vainqueur d’étape, le Maillot Jaune a relégué son premier poursuivant, le Danois Jonas Vingegaard (Jumbo), à 5’20’’. L’écart entre les deux premiers n’avait plus atteint de telles proportions depuis 2014 et la victoire de Vincenzo Nibali devant Jean-Christophe Péraud (7’39’’). Le Slovène a dissipé les doutes sur sa capacité à défendre une place de leader. Là où il avait arraché le Maillot Jaune à Primoz Roglic (Jumbo) au soir de la 20e étape en 2020, Pogacar a enfilé la tunique dorée dès l’arrivée de la 8e étape cette année et ne l’a plus lâchée depuis. « L’an dernier, il n’avait pratiquement pas supporté le poids de la course. Cette année, il a vraiment su assommer ses adversaires au bon moment, relativement tôt », le complimente Thévenet.
Alors pourquoi mettre en doute sa domination future ? « Quand on regarde de près son parcours sur ce Tour, il a eu zéro pépin par rapport à d’autres coureurs retardés » par les nombreuses chutes collectives, fait valoir Sylvain Chavanel, deux fois Maillot Jaune sur le Tour 2010. Annoncés comme ses principaux rivaux, Geraint Thomas (Ineos) est tombé à plusieurs reprises et Roglic, projeté au sol lors de la 3e étape, a fini par abandonner au matin de la 9e. « Il a manqué peut-être un peu de concurrence », juge Schleck.
« Sur les dernières étapes de montagne, c’est vraiment un trio qui s’est dégagé » plutôt qu’un homme seul, l’appuie Chavanel. Au col du Portet comme à Luz-Ardiden, Vingegaard et Richard Carapaz (Ineos) sont arrivés avec moins de cinq secondes de retard sur l’enfant de Klanec.
Le nouveau Cannibale ?
Autre faiblesse régulièrement pointée du doigt pendant la 108e édition : la transparence de l’équipe UAE dans le final de nombreuses étapes.
Malgré une pointe de
au départ hier, le Slovène a dosé son effort entre Libourne et SaintEmilion. Il a franchi la ligne en serrant le poing. « A certains moments, il n’y avait plus un équipier autour de lui, c’est les autres qui roulaient pour lui », affirme Bernard Thévenet. « Est-ce que tout le monde refera la même chose dans le futur ? » Prompt à défendre le travail de ses équipiers, Pogacar reçoit le soutien de Chavanel sur ce point. Ce dernier voit chez UAE « un collectif beaucoup plus construit et beaucoup plus solide » qu’en 2020. Encore plus enthousiaste, le quintuple vainqueur du Tour Eddy Merckx a encensé Pogacar vendredi. « Je vois en lui le nouveau Cannibale », l’a adoubé le Belge. « Si rien ne lui arrive, il peut certainement gagner le Tour plus de cinq fois. »
Parole d’ex-monarque absolu.