Oeil de coach
Il a commencé tôt. Très tôt. D’abord comme adjoint, alors qu’il n’avait pas connu de carrière professionnelle en tant que joueur de basket. Julien Espinosa a ensuite eu droit à une place d’entraîneur titulaire : il n’avait même pas trente ans et prenait place sur le banc d’Antibes, son club pendant de longues années. Parti en , le technicien a connu une expérience à Chalonsur-Saône, écourtée en raison des mauvais résultats lors de la dernière saison.
Le Niçois de ans est revenu quelques semaines sur la Côte d’Azur et a pris le temps de se livrer sur son métier. Son quotidien. « Il faut que ce soit une passion au départ », reconnaît-il. Primordial pour tenir le coup et faire face aux nombreuses épreuves...
Comment décririez-vous ce métier, de prime abord ?
C’est un métier dans lequel on passe beaucoup de temps à s’occuper des autres, on donne tout ce qu’on a pour les personnes qui font partie du groupe. On est obligé d’avoir beaucoup de générosité et des qualités d’empathie. Ça pousse aussi à l’introspection, on va chercher chez la personne en face le maximum de ses ressources. Ça se fait parfois au travers de certains conflits. Il faut être très clair avec soi-même. Sinon, ça peut être destructeur dans les relations entraîneur-entraînés.
Que vous ont appris vos débuts en tant qu’entraîneur- adjoint ?
Ça m’a fait changer de point de vue sur le très haut niveau. Comme je n’avais pas été joueur pro, je n’avais pas encore une vision complète du monde professionnel. Des choses me dérangeaient, notamment ce côté sport business, orienté vers ce qui brille… Et puis je suis tombé sur Savo Vucevic, qui officiait à l’époque à Antibes. Il dégageait une version du sport professionnel assez pure et simple. Il y avait une forme de spontanéité dans ses rapports avec les joueurs. Ça m’a rassuré.
C’est un avantage ou un inconvénient de ne pas avoir été joueur professionnel ?
À première vue, je voyais ça comme un inconvénient. J’avais moins d’expérience dans le milieu pro que mes propres joueurs ! Je me disais :
« Comment je vais faire pour m’adapter ? Pour comprendre les choses avant eux ? » Au final, ça a été un avantage parce que ça m’a fait travailler deux fois plus. Au début, il me fallait six heures pour préparer un entraînement, connaître les consignes que j’allais donner dans chaque exercice… La première année où j’étais adjoint, je devais dire dix mots par entraînement (sourire). J’étais en retrait.
Votre père vous a dit un jour : « Tu dois voler le métier. » Qu’est-ce que cela signifie ?
Ça veut dire ouvrir grand les yeux, grand les oreilles, noter, observer, poser des questions… Se mettre dans une posture où on reçoit et pas où on explique. J’aime le rapport avec les anciens, les gens expérimentés.
Vous avez parfois eu affaire à des joueurs plus âgés que vous avec un long CV, comme Will Solomon* à Antibes. Il fallait s’y prendre différemment ?
Ce n’est pas un joueur comme un autre (rire) ! C’est un gars qui arrive avec une énorme légitimité, mais il n’était pas confortable avec l’idée de manager. Il ne cherchait pas forcément à créer des liens forts, une communion basée sur les échanges. Lui, il cherchait une sorte de vérité la plus directe possible à l’instant T. Je me souviens m’être posé la question : « Est-ce que ce gars va vraiment nous aider à nous en sortir ? » Frédéric Jouve, le président du club, m’avait dit à cette époque : « Là où tu veux aller, des Solomon tu en auras quatre ou cinq dans l’équipe. Donc tu ferais mieux d’apprendre à le gérer rapidement ! » C’était fabuleux. Ça voulait dire : « Tu ne peux pas prétendre à un certain niveau en tant que coach, si tu te prends les pieds dans le tapis avec Solomon ».
Vous êtes un coach dans l’échange ou plutôt directif ?
Je crois qu’il faut montrer aux joueurs qu’on est capable d’imposer et de contraindre pour que l’échange, l’écoute et la participation aient de la valeur. Il y a des joueurs avec lesquels c’était intéressant de construire les plans de matchs, on avait des vrais échanges constructifs. Si ça se développe, ça m’intéresse. Mais si ce n’est pas le cas, on peut faire sans.
Est-ce que votre carrière a entraîné des moments douloureux pour la sphère privée ?
Ce qui peut être douloureux, c’est la façon dont la famille peut être impactée par les émotions négatives de mon métier. Les gens autour ne sont pas forcément formés pour gérer l’émotion d’un match, mais ils en font partie. Une partie de leur vie est conditionnée par les résultats des matchs. Si ça ne se passe pas bien, il va falloir quitter le club, chercher un autre job, déménager… J’aimerais que ma famille soit préservée de ça et des réseaux sociaux.
Vous suivez ce qui se dit sur vous sur les réseaux ?
Je n’y attribue pas de valeur ni d’intérêt. J’ai vécu les deux : les
Après Alex, Y’a qu’à demander et Declics, Nice-Matin a lancé son nouveau podcast : OEil de coach. Pensé par la rédaction des sports, ce format vous emmène au coeur des vestiaires. Au contact des entraîneurs professionnels. L’objectif ? Comprendre la complexité de la fonction avec les spécialistes de la région. De longs entretiens découpés en quatre thèmes à retrouver toutes les semaines sur notre site et les différentes plateformes d’écoute (Apple, Deezer, Spotify…). Au-delà de la dimension tactique des disciplines, les coachs se penchent sur l’aspect humain. Et se livrent comme rarement...
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La vie perso ? Des moments furtifs ”
moments où j’étais le meilleur, où j’étais extraordinaire, ce qui est faux. Mais aussi les moments où j’étais nul, mais c’est faux aussi. Les deux sont aussi faux l’un que l’autre. Je suis capable de m’auto-évaluer, je suis très critique envers moi-même. J’arrive à me détacher de tout ça, mais des choses peuvent impacter la famille.