Monaco-Matin

Sur le front pour sauver les affiches de la Der des ders

Restauratr­ice dans les arts graphiques, l’Antiboise Anaëlle Giraudo planche sur 89 documents de propagande militaire. Don d’un mystérieux collection­neur aux archives municipale­s.

- M.-C.A mabalain@nicematin.fr

Pour l’histoire, il restera un généreux donateur inconnu. Seule piste crédible, cet homme, certaineme­nt ancien soldat de la guerre 14-18, aujourd’hui disparu, était membre d’une associatio­n patriotiqu­e rattachée à la Maison du Combattant d’Antibes. Il a fait don d’une collection peu commune à cette institutio­n : quatreving­t-neuf affiches qui, entre 1915 et 1918, incitaient les Français à contribuer à l’effort de guerre contre les Allemands. En souscrivan­t aux emprunts d’État, en donnant leur or, en participan­t à des exposition­s artistique­s et à des conférence­s. La Maison du Combattant a eu la riche idée d’en faire don à la Ville qui a confié la collection au service municipal des archives.

Vibrantes de patriotism­e

La diversité de ces affiches et leur relatif bon état de conservati­on en font un don précieux. « Une telle collection est rare à cause du caractère éphémère de l’affiche, vouée à disparaîtr­e sitôt son actualité passée », souligne Alain Bottaro, responsabl­e du service archives documentat­ion. Ici, pas de photograph­ie mais des dessins au graphisme surprenant. De véritables oeuvres d’art vibrantes de patriotism­e tricolore où le poilu est sublimé. On ne fait pas dans la dentelle, côté message, comme cette affiche où le « soldat boche » est assimilé à la tuberculos­e :

« Les deux fléaux de la France. » Ces affiches sont actuelleme­nt entre les mains expertes d’Anaëlle Giraudo, restauratr­ice Arts Graphiques, et seront exposées en 2023. Après un master à l’école Condé à Lyon puis à Paris, la jeune femme est revenue chez elle à Antibes, il y a deux ans, où elle a ouvert un atelier.

« Cette commande de la Ville est un vrai bonheur. » Dans les règles de l’art, avec des gestes précis et sûr, des outils empruntés à la chirurgie dentaire, du papier Japon, de la colle d’amidon, l’experte a déjà restauré une douzaine d’affiches, traquant le moindre accroc, la moindre déchirure. À partir d’un papier-calque, chaque lacune est détourée au moyen d’un poinçon. Qui permettra ensuite de reproduire le bout manquant à partir d’un papier Japon choisi en fonction de sa teinte. La plus proche, bien sûr, du support original.

Stabiliser la dégradatio­n

La déontologi­e est respectée à la lettre : ici pas de restaurati­on jusqu’au-boutiste mais une stabilisat­ion de l’état de dégradatio­n de l’oeuvre. Chaque interventi­on doit aussi permettre une nouvelle restaurati­on, des années plus tard. En moyenne, entre la préparatio­n de l’oeuvre et l’interventi­on, ce sont quatre heures de travail, à chaque fois, qui sont nécessaire­s. Quant au pire ennemi de la restaurati­on arts graphiques, qui ne concerne que les supports en papier, gare au cliché. On pense à l’eau ? Non, au contraire, l’eau pulvérisée sur le papier permet une mise à plat parfaite et facilite le travail sur les déchirures. Le pire des maux est en fait l’humidité dans l’air. La très précise Anaëlle garde toujours un oeil sur son hygromètre.

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 ?? (Photos Dylan Meiffret et DR) ?? Les affiches, très variées et relativeme­nt bien conservées, ont été confiées à Anaëlle Giraudo, restauratr­ice en arts graphiques. Elles feront l’objet d’une exposition.
(Photos Dylan Meiffret et DR) Les affiches, très variées et relativeme­nt bien conservées, ont été confiées à Anaëlle Giraudo, restauratr­ice en arts graphiques. Elles feront l’objet d’une exposition.
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