Monaco-Matin

Mort d’un géant

Jean-Paul Belmondo est décédé hier à Paris, à 88 ans. La star aux plus de 80 films et 30 pièces de théâtre aura marqué le 7e art, tant par sa carrière que par son « personnage » de Bébel.

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Toc toc badaboum ! On nous annonce la disparitio­n de Jean-Paul Belmondo, et tout à coup, c’est tout un monde qui dégringole. Plus qu’un acteur dont on était tous de fervents admirateur­s, davantage qu’une immense star du 7e art, et au-delà du héros de tous les scénarios, celui que l’on surnommait Bébel était devenu si populaire que, pour nombre de génération­s, il incarnait aussi la figure de l’ami idéal, voire d’un second père.

Adieu sa gouaille, son regard rieur, et son charisme ravageur. On s’était pris à ne plus croire cela possible, mais Belmondo est finalement arrivé À bout de

souffle ,et Pierrot le fou s’est fait l’échappée belle. Hélas, l’immense Profession­nel a définitive­ment fini de faire le Guignolo. « Jean-Paul Belmondo s’est éteint tranquille­ment », a déclaré son avocat Me Michel Godest. Tranquille ? Seul le trépas aura pu mettre cette bête de scène, cet Animal du cinéma, dans cet état. Car Jean-Paul Belmondo était un amoureux de la vie qui consacrait toute son énergie à faire la blague et traverser l’existence dans une joyeuse insoucianc­e, malgré ses drames et ses larmes. Avec ce leitmotiv, dont il avait intitulé son autobiogra­phie en 2016 : Mille vies valent mieux qu’une.

Rebelle et Bébel

Un trublion un peu rebelle, qui trouvera toute sa consécrati­on dans le personnage de Bébel. Né à Neuilly-sur-Seine, fils d’un

sculpteur de renom, Jean-Paul Belmondo est inscrit dans les meilleures écoles bourgeoise­s, malgré quelques privations durant l’enfance. Mais l’élève turbulent ne sera jamais premier de classe, que ce soit sur les bancs scolaires, ou au Conservato­ire. « C’est vrai, l’école ne m’aimait pas… mais moi non

plus ! », en rigolera-t-il. Adolescent passionné de sport, ce fan de Marcel Cerdan se voit d’abord réussir dans le noble art. Mais après quelques combats, il constate qu’il n’a pas assez faim ni de haine pour être champion sur un ring, ce qu’il sera indiscutab­lement au boxoffice. De ses combats amateurs, il conservera son punch, une carrure, et sa gueule de boxeur. Nez cassé, qui ne l’empêchera pas de devenir un drôle de jeune premier. C’est d’abord sur les planches que Belmondo entend rebondir. Mais là encore, ses débuts ne suivent pas forcément (et pas encore) l’Itinéraire d’un enfant gâté.

Un style à part

Lors d’une audition auprès d’un ami de son père, la sentence est sans appel : Nul ! L’aspirant comédien s’y reprend à trois fois avant d’être admis au Conservato­ire malgré son jeu si peu conservate­ur. Puis ne s’en tire qu’avec un accessit lors de l’examen final. Mais il est porté en triomphe (déjà) par ses potes (Marielle, Rochefort, Vernier, Cremer…) et adresse au jury son plus beau bras d’honneur !

Ce ne sera pas la première ni la dernière de ses cascades, qu’il effectuera sans doublure, accroché à un hélicoptèr­e (Le Guignolo), sur les toits de Paris ou d’une rame de métro (Peur sur

la Ville). Avant de devenir ce casse-cou hâbleur, action-hero aux gros biscotos, le jeune Belmondo est révélé par Jean-Luc Godard, et surfe sur la Nouvelle Vague du 7e art.

Ascension vertigineu­se

Une réplique («Si vous n’aimez pas la mer, si vous n’aimez pas la montagne… »), une allure de bad boy séducteur, un style déjà Marginal mais résolument moderne, et le garnement crève l’écran !

À bout de souffle deviendra un film culte, Belmondo est déjà une vedette. Ascension vertigineu­se, avec des films d’auteur tournés par de grands metteurs en scène (Léon Morin prêtre, de Jean-Pierre Melville,

Moderato cantabile de Peter Brook, Pierrot le fou de Godard), des films italiens qui renouent avec ses racines sicilienne­s (La Ciociara de Vittorio De Sica), et des films plus divertissa­nts où l’acteur joint le geste à la parole (Cartouche et

L’homme de Rio de Philippe de

Broca, Cent mille dollars au soleil d’Henri Verneuil).

Fils prodigue du cinéma français, Belmondo donne la réplique à des monstres sacrés. Gabin dans Un singe en hiver

(1962), Bourvil dans Le cerveau (1969) et même à son grand « rival » et ami, Alain Delon, dans Borsalino (1970). D’abord marié à Élodie Constantin, l’ancien boxeur est un tombeur. Étreint les plus belles femmes, d’Ursula Andress à Carlos Sotto Mayor, en passant par Laura Antonelli. À l’instinct, Belmondo émeut, fait rire, impression­ne…

Star à jamais

Mais l’accueil glacial reçu à Cannes pour Stavisky, en 1974, dont il était également producteur, semble infléchir définitive­ment le choix de ses rôles. Belmondo devient Bébel, Flic ou

voyou qui truste l’affiche avec le colt à la ceinture, As des As jamais avare de bons mots et coups poings, au succès ultrapopul­aire. Le solitaire (1987) marque la fin de ces trente glorieuses, en porte-flingue, au terme de cet Itinéraire d’un enfant gâté (1988) lelouchien, et d’un César du meilleur acteur que l’intéressé ne viendra jamais chercher.

Coup de théâtre ! Belmondo retourne alors à ses premières amours et triomphe au théâtre dans Kean, Cyrano...

Encore quelques films oubliables (Amazone, Un homme et son chien...), puis un terrible AVC en 2001 amoindrit l’homme dans son intégrité physique, et stoppe le comédien dans ses envies de revenir. Des événements qui n’auront jamais terni son image auprès du grand public, pour lequel Jean-Paul Belmondo demeure à jamais Le Magnifique.

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