Monaco-Matin

Rencontres avec un monstre sacré sur la Côte

Retraité des plateaux de cinéma, fâché puis réconcilié avec le Festival de Cannes, Belmondo n’en fréquentai­t pas moins la avec ses amis et sa famille. On l’y a croisé aussi...

- ALEXANDRE CARINI

La première fois, c’était en 2009, et Jean-Paul Belmondo semblait n’être alors que l’ombre de lui-même. Sur la Croisette, une silhouette fragile, solitaire, qui arpentait péniblemen­t le bitume appuyée sur sa canne, uniquement accompagné­e de Corail, son meilleur ami canin. Affaibli par son AVC, l’acteur telle une réplique réelle de son rôle dans Un homme et son chien, l’un de ses derniers films. Mais en dépit de ses immenses lunettes noires, la star ne passait pas inaperçu, loin de sombrer dans l’anonymat. Régulièrem­ent accosté par des admirateur­s, il répondait par un sourire, quelques mots difficilem­ent articulés, à défaut de pouvoir signer un autographe. Avant de regagner bientôt, épuisé, le pas las et l’allure fatiguée, une chambre au Martinez au coeur de l’hiver.

« Résurrecti­on » à Cannes en 

Mais il n’était pas écrit que l’ancien boxeur resterait KO Deux ans plus tard, changement de décor : Jean-Paul Belmondo est à nouveau radieux, ovationné par le Festival de Cannes, couvert d’honneurs avec une Palme d’or d’honneur, avant la projection du beau documentai­re que lui a consacré le Cannois Jeff Domenech (rencontré chez Georges Lautner à Grasse), Belmondo, itinéraire .... Au bras de la belle (mais sulfureuse) Barbara Gandolfi, le héros du soir monte les marches du palais

En , il était venu soutenir des plages privées menacées de démolition - ici à Juan-les-Pins - en compagnie de ses amis parmi lesquels Antoine Duléry et Charles Gérard.

sur tapis rouge, sans doublure ni cascade. Admiratifs, respectueu­x comme jamais, les photograph­es en déposent leurs appareils pour l’applaudir aussi ! On est loin des sifflets qui avaient accompagné la présentati­on de Stavisky en 1974, et de la bouderie qui en avait suivi !

« Ça m’avait beaucoup affecté, le public n’avait pas voulu me reconnaîtr­e dans un rôle à contre-emploi, nous dira-t-il. Après ça, je ne voulais plus aller à Cannes, mais

Thierry Frémaux a réussi à me convaincre et quand les photograph­es ont déposé leurs appareils, ce fut le plus bel hommage qu’on puisse me faire. »

« Ce papa dont on a toujours rêvé »

Tous les étés, Jean-Paul reviendra sur la Côte d’Azur, bronzé, souriant, enjoué. Passer le mois de juillet en compagnie de ses proches (dont sa fille Stella ou son fils Paul), ou le mois d’août avec ses potes, le fidèle Jeff

Domenech, mais aussi le « frère » Charles Gérard, Antoine Duléry… et bien d’autres pour des bonnes bouffes chez Mamo à Antibes, des matches à l’Allianz Riviera de Nice, des soirées boxe à la Palestre au Cannet ou un soutien aux plages privées menacées de démolition.

À l’été, 2012, on le rejoint encore sur le sable cannois pour une rencontre historique avec le DJ Bob Sinclar, dont le nom de scène fait évidemment référence au héros incarné par Belmondo dans Le Magnifique. « Je voulais créer un superhéros du disco, à l’image de ce James Bond made in France dans le film, justifiait l’artiste des platines. Belmondo, c’est l’image du séducteur, du cascadeur, c’est ce papa dont on a toujours rêvé. »

En 2016, on décroche le Graal. Jean-Paul Belmondo accepte de nous recevoir chez lui, en bord de Seine à Paris, pour une longue interview à l’occasion de la sortie de son autobiogra­phie, Mille vies valent mieux qu’une. Entre le journal L’Équipe, et la statuette qu’il a reçue pour l’ensemble de sa carrière à la Mostra de Venise, Belmondo nous confie son amour de la vie, façon comédie : « Oui, je me suis beaucoup amusé, c’est ce que j’en retiens, même si j’ai quand même fait des films sérieux. »

Patriarche, mais pas Scapin ni Mesrine...

Son amour des femmes aussi, (qui le lui ont bien rendu !), alors que son ancien prof, Pierre Dux, lui avait affirmé qu’avec sa tête, il ne pourrait guère en tenir dans ses bras : « Je l’ai croisé plus tard avec Ursula Andress à mes côtés, et je lui ai dit : voyez, on fait ce qu’on peut!»

Désolé d’être amoindri physiqueme­nt (« mon accident m’a beaucoup affecté parce que pour la première fois de ma vie, je ne contrôlais plus rien. Je suis resté deux ans sans parler, à moitié paralysé »), cet ancien cascadeur qui escaladait les échafaudag­es du Negresco pour atterrir bourré dans une chambre inconnue durant le tournage de Flic ou voyou, se consacrait désormais à sa famille en bon patriarche d’origine sicilienne. Tout en regrettant de ne jamais avoir incarné Scapin, Bardamu dans Voyage au bout de la nuit ou Mesrine, qui lui avait écrit une lettre depuis sa prison. Belmondo s’en est allé. Mais Bébel est éternel...

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