Accident mortel à Pourrières : la société de transports relaxée
Seul le chauffeur du poids lourd, à l’origine de l’accident qui avait coûté la vie à deux lycéennes en 2014, a écopé d’une peine d’emprisonnement.
R «ien, rien, rien. Ils n’ont rien eu…» À peine les portes du tribunal correctionnel de Draguignan franchies, Stella Balikian-Petrucci enchaîne les coups de fil. La mère d’Héléna, décédée tragiquement le 27 mars 2014 alors qu’elle rejoignait son domicile de Pourrières après une journée au lycée, prévient ses proches en tenant à chaque fois le même discours. À ses côtés, son mari cherche à comprendre. « Gwenaël Colas ira-t-il en prison ? » Pas dans l’immédiat. Pas avant d’avoir vu un juge d’application des peines.
Ce mardi, le chauffeur du poids lourd qui avait percuté à vive allure le minibus transportant Julia Brun, 15 ans, et Héléna Balikian-Petrucci, 16 ans, a été reconnu coupable d’homicides involontaires. Il a été condamné à trois ans d’emprisonnement dont 18 mois avec sursis. Son permis de conduire est, en outre, annulé pendant un an. L’enquête avait pu démontrer qu’il roulait trop vite – plus de 90 km/h – et avait fait « preuve d’une surprenante passivité » juste avant le choc mortel. Regardait-il son téléphone ? Les parents des victimes en sont persuadés. Gwenaël Colas assure que non. Le parquet, lui, n’a pas pu l’établir avec exactitude.
« Une décision scandaleuse »
Suivant quasiment à la lettre les réquisitions du parquet, prises le 6 juillet lors du procès, le tribunal a également condamné le jeune conducteur du bus scolaire à une amende de 750 euros et une suspension de permis de conduire de trois mois. Des traces d’une consommation ancienne de stupéfiants avaient été découvertes lors des analyses sanguines.
Mais ce que les parents d’Héléna et de Julia, absents à cette audience, attendaient plus que tout, était une condamnation de la société de transports Bourlin. C’est au contraire un jugement de relaxe qui a été prononcé, le tribunal estimant que celle-ci n’avait joué aucun rôle actif dans la survenance de l’accident. Au grand dam de Stella Balikian-Petrucci…
« Merci, merci beaucoup ! », adresset-elle d’un ton ironique au tribunal avant de sortir de la salle. « C’est une décision scandaleuse, poursuitelle dans les rues de Draguignan. Nous avons donné sept années de notre vie pour trouver des preuves, établir des responsabilités. Tout ça pour ça ? Donc demain, si on veut tuer quelqu’un, le plus simple est de le faire en créant un accident de la route ! »
« Ce n’est pas du bétail que transportent ces sociétés, mais nos enfants, poursuit Jean-Jacques Balikian-Petrucci, à la colère plus froide. Les transports Bourlin ont bafoué les règles, mis l’argent au-dessus de la sécurité. Et ils ne sont pas punis… Ils ont pourtant tué ma fille… »
Enquête pour prise illégale d’intérêts
Les parents d’Héléna pointent du doigt les manquements « ahurissants » de la société Bourlin dans l’exécution du marché public, comme le trajet effectué ou le véhicule utilisé. Ni l’un ni l’autre n’étaient respectés.
Pour autant, cette relaxe ne signifie pas la fin des ennuis judiciaires pour Sébastien Bourlin. Le maire de la commune de Pourrières et fils du fondateur de la société mise en cause est actuellement visé par une enquête pour prise illégale d’intérêts. « Nous avons été reçus par le juge Lambert l’année dernière et nous n’allons rien lâcher », prévient Jean-Jacques Balikian, bien décidé à ce que les soupçons de favoritisme et d’abus de biens sociaux soient cette fois établis puis reconnus par un tribunal. Il en a fait le combat d’une vie. Fauchée à 16 ans, chemin des Amandiers, un soir de mars 2014.