Monaco-Matin

Paris: Abdeslam se présente en «combattant de l’Etat islamique»

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Dans un palais de justice de Paris entouré de centaines de gendarmes, en plein coeur de la capitale, le procès historique des 20 accusés des attentats du 13 novembre 2015 s’est ouvert dans un calme presque surprenant. D’immenses moyens ont été déployés pour cette audience, qui doit durer près de neuf mois et accueiller­a des centaines de victimes ou parents de victimes et plus de 300 avocats. Une longue attente, dans une étrange ambiance fiévreuse de salle de congrès, a précédé l’arrivée des onze accusés détenus (trois hommes comparaiss­ent libres et six autres sont jugés en leur absence), entourés d’une escorte de dizaines de gardes. Salah Abdeslam, Franco-Marocain de 31 ans et seul survivant du commando de dix hommes qui a tué 131 personnes et en a blessé des centaines le soir du 13 novembre, savait que tous les yeux étaient tournés vers lui.

Conditions de détention dénoncées

Barbe fournie, vêtu d’un tee-shirt et d’un pantalon noir, il a saisi la formalité de l’interrogat­oire d’identité pour répéter les seuls mots consentis pendant cinq ans. «Je tiens à témoigner qu’il n’y a pas de Dieu à part Allah et que Mahomet est son serviteur et son messager ». A cette phrase introducti­ve, le président de la cour d’assises JeanLouis Périès a répondu, très calme, « oui, ça, on verra plus tard… », avant de demander à l’accusé sa profession. « J’ai délaissé toute profession pour devenir un combattant de l’Etat islamique », a répondu Abdeslam. Le président, sans relever la saillie, a alors comparé avec son dossier : « Moi j’avais intérim, comme profession… ». Quelques instants plus tard, l’accusé s’est relevé pour dénoncer avec véhémence ses conditions de détention, mais le président l’a aussitôt ramené au silence. Défendu par les deux jeunes avocats français Olivia Ronen et Martin Vettes, Salah Abdeslam encourt la perpétuité.

Les dix autres accusés détenus, notamment le Belge Mohammed Abrini, 36 ans, venu à Paris le 12 novembre avec les dix tueurs mais rentré de manière inexpliqué­e à Bruxelles juste avant les attaques, n’ont rien exprimé sur le fond lors de leurs interrogat­oires d’identité. La cour a ensuite engagé de lourdes formalités d’appels des témoins et des 1 800 parties civiles, qui doivent durer deux jours.

Procès historique et hors normes

Préalablem­ent, le président de la cour a lu de manière très inhabituel­le un texte en forme d’avertissem­ent et de rappel juridique. Certes, a-t-il dit, le procès est historique et hors normes par sa dimension.

« Mais ce qui importe justement, c’est le respect de la norme, l’applicatio­n de la procédure pénale et notamment des droits de chacun, à commencer par ceux de la défense. Notre cour se distingue par là même, et c’est une évidence qu’il nous faudra marteler, de toute autre institutio­n à vocation politique, historique ou sociologiq­ue. ». Il faudra, a rappelé le magistrat, « maintenir la justice dans toute sa dignité ». L’audience, occupée jusqu’en fin de semaine par les lourdes formalités d’appel des témoins et des nombreuses parties civiles, commencera véritablem­ent sur le fond lundi avec l’audition du chef de la Sous-direction antiterror­iste (Sdat), côté français, puis celle de la juge d’instructio­n belge Isabelle Panou, mardi. C’est elle qui a conduit tout le volet belge de l’enquête après l’arrestatio­n d’Abdeslam et le démantèlem­ent de la cellule responsabl­e des attentats du 22 mars 2016 dans le métro et à l’aéroport de Bruxelles, qui avaient fait 32 morts.

THIERRY LÉVÊQUE/ALP

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