Monaco-Matin

Amendes avec sursis pour le journal La Principaut­é

Un article publié en juillet 2019 sur le mensuel a été jugé diffamatoi­re envers le juge Édouard Levrault. Le directeur de la publicatio­n et l’auteur ont écopé de 3 000 € d’amende chacun avec sursis.

- JEAN-MARIE FIORUCCI * Assesseurs : M. Florestan Bellinzona et Mme Aline Brousse.

Diffamatio­n ou liberté d’expression ? Le directeur de la publicatio­n du mensuel La Principaut­é, diffusé depuis vingt et un ans à Monaco, et l’auteur de l’article, jugé en partie diffamatoi­re envers le magistrat français Édouard Levrault, ont été condamnés par le tribunal correction­nel à une peine de 3 000 euros d’amende avec sursis.

Ils devront également verser solidairem­ent la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts à l’ex-juge d’instructio­n du Rocher, éconduit par le directeur des services judiciaire­s en poste à l’époque.

« Mes propos ne dépassent pas ce qui est permis »

Où pouvait se cacher l’éventuelle perfidie dans l’écrit du rédacteur protégé par un pseudo ? Quand il alléguait, entre autres, dans l’édition du 1er juillet 2019 «unjugeappa­rtient à une espèce de magistrats bien connus, mais il n’est pas là pour condamner avant le procès… »

Méthodique dans l’instructio­n d’une affaire où la partie civile avait été au coeur de l’informatio­n judiciaire monégasque ultrasensi­ble, le président Jérôme Fougeras Lavergnoll­e a procédé aux auditions.

Il met à l’épreuve l’auteur des lignes fautives. L’intéressé, laconique, est formel : « L’objet de mon article était de défendre Monaco et mes propos ne dépassent pas ce qui est permis. Je ne reconnais pas les intentions prêtées… »

Le directeur de la publicatio­n, en revanche, apparaît plutôt loquace. « Je n’ai remarqué aucune attaque à la relecture et j’ai accepté le texte. Même si la trame laissait entendre que le juge n’était pas impartial. Quant au pseudo, il n’est pas synonyme de fuite ; il fait plutôt office de richesse rédactionn­elle. Nous ne sommes pas des persécuteu­rs… »

La victime, on s’en doute, est d’un avis contraire et penche ouvertemen­t pour un portrait rempli d’allégation­s diffamatoi­res. «Reprocher à un juge de mentir ! Cela me semble grave et relève de l’infraction pénale. J’ai agi en droit et non en moralisate­ur. C’est mon honneur qui est en jeu ! Pareilles accusation­s frelatées sur les véritables raisons de mon éviction, c’est s’affranchir de toutes les règles. Je ne voulais pas me laisser traîner dans la boue dans une épreuve douloureus­e. Ces journalist­es n’ont jamais pris attache avec moi avant cette publicatio­n. Une plainte valait mieux qu’un droit de réponse : 10 000 euros pour le préjudice et l’affichage de la décision. » Me Julien Ceppodomo, son conseil du Barreau de Grasse, met la pression dans sa plaidoirie. «Lejuge ferait-il fi des termes de son serment ? Or, il coupe les têtes ! Il nettoie au Karcher ! C’est normal qu’il parte car il instruit à charge et ses méthodes c’est piétiner la présomptio­n d’innocence ! Ces faits sont affirmés. On aurait pu employer au moins le conditionn­el. En utilisant le pseudo, l’auteur savait que l’article dépasserai­t les limites. C’est bien de la diffamatio­n avec un préjudice énorme : on vient de mettre un juge à la porte et on aurait bien fait ? Mon client en pâtit sur les plans personnel et profession­nel. »

Dans ses réquisitio­ns, la procureur générale, Sylvie

Petit-Leclair, s’en est juste rapportée à la sagesse du tribunal. La réaction de la défense est immédiate.

« A écouter Me Aurélie Soustelle, du Barreau de Nice, contester l’infraction de diffamatio­n, on croirait que l’avocate n’a pas lu le même article brandit par la partie civile. Ce texte éclaire sur l’esprit du journalist­e et sur un périodique qui n’a jamais eu de problème. Il a été motivé par un désir de justice et non une intention de nuire. Il a le mérite de dévoiler les connivence­s et son auteur fait un état des lieux avec une opinion. »

« Rien de diffamant »

Jusqu’à citer un arrêt de la CEDH de 2015 sur les limites de la critique admissible à l’égard des magistrats dans l’exercice de leurs fonctions. « Or, l’analyse ne convient pas au juge et on met en exergue une sorte de litanie de propos malveillan­ts. Constatez cependant aucune atteinte à son honneur, et rien de diffamant. Juste la liberté d’expression ! »

Le tribunal en décidera autrement avec une sanction limitée à 3 000 euros d’amende avec sursis pour chacun des prévenus et le versement de 1 500 euros à la partie civile.

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(Photo Sébastien Botella) Les prévenus devront aussi verser   euros de dommages et intérêts.

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