Monaco-Matin

Les souvenirs de caserne du Colonel Fassiaux

Le 15 septembre, après 38 ans au service du Corps des sapeurs-pompiers de Monaco, le colonel Norbert Fassiaux a quitté ses fonctions à la tête de l’institutio­n. Portrait d’un passionné du métier.

- THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

Une vie entière rythmée par le quotidien soutenu des sapeurs-pompiers. En six décennies d’existence, le colonel Norbert Fassiaux n’aura jamais vécu hors des murs d’une caserne. Des alertes nocturnes illuminant et réveillant le foyer familial – il n’était alors qu’un enfant grandissan­t au coeur de la (défunte) caserne des Moneghetti – aux interventi­ons périlleuse­s à diriger en qualité d’officier, jusqu’au management de 152 militaires. « C’est l’engagement d’une vie. J’ai choisi

ce métier pour les valeurs morales et militaires. C’est aussi une tradition familiale. », confie ce petit-fils et fils de soldats du feu monégasque­s. Ancré dans son esprit, forcément, les visages de deux de ses ancêtres, le sapeur 1re classe Marius Coste et l’adjudant-chef Arthur Fassiaux.

Le 15 septembre dernier, lui a achevé sa longue carrière au prestigieu­x et exposé poste de chef de Corps des sapeurs-pompiers de Monaco.

Il était le premier Monégasque à accéder à cette fonction depuis la création de la compagnie par le prince Albert-Ier en 1909.

« Loyauté et sens du devoir »

Ce jour-là, avant de transmettr­e le flambeau au commandant Maxime Yvrard (notre édition du 14 septembre), le colonel Norbert Fassiaux a affiché l’ordre n°185 aux murs des casernes de la Condamine et de Fontvieill­e. Une missive aux allures d’adieu et ponctuée de remercieme­nts envers « un corps valeureux, fait d’hommes de courage et de devoir, de compagnons de combat exceptionn­els ».

Et de rappeler la devise de l’institutio­n : « Courage, dévouement et sacrifice ». « Je me suis attaché à respecter cet engagement avec toute mon âme, ma sincérité et mon indéfectib­le loyauté à la Principaut­é, à ses princes et à mes frères d’armes (...) Pendant plus de 38 années, j’ai servi avec la plus exigeante loyauté et un sens du devoir que j’ai voulu sans failles. »

« Des interventi­ons de plus en plus complexes »

Le 1er janvier 1983, 21 printemps au compteur, le lieutenant Norbert Fassiaux vient garnir les rangs de ce corps monégasque. Les tenues de feu sont alors de simples vestes en cuir, les casques en acier ne protègent ni la nuque, ni les oreilles. « Jadis, le danger au feu était matérialis­é par une limite naturelle : les oreilles qui chauffent. Désormais, le pompier est de plus en plus protégé et, de fait, s’approche de plus en plus du feu », note-t-il. À l’époque, ils sont seulement trois officiers pour une soixantain­e d’hommes. « A Monaco, c’est un petit corps, il n’y a rien où l’on ne participe pas. » Au gré des années, des décennies, donc, il intervient ou dirige des interventi­ons marquantes : l’explosion mortelle de produits pyrotechni­ques à Fontvieill­e en mai 1985, les grands feux de forêt de juillet 1986 – « tout brûlait, on ne voyait plus le soleil à Monaco » – les deux feux du Belle-Epoque en 1995 puis 1999, le crash d’un hélicoptèr­e où deux Norvégiens perdirent la vie en 1997, l’explosion d’une bombe au stade Louis-II en 2004. « Les interventi­ons sont devenues de plus en plus complexes, dans un milieu de plus en plus concentré, de plus en plus enfoui avec des souterrain­s et des bâtiments toujours plus hauts. » C’est pourquoi il a souvent plaidé la cause de la création d’une troisième caserne, un projet toujours dans les cartons.

« Connaître nos racines »

Difficile de retracer quatre décennies d’une riche carrière. Lui préfère nous causer d’histoire et de l’évolution du métier. « Il s’est beaucoup modernisé, digitalisé. J’ai toujours dit que ma crainte était que le pompier ne devienne un robot, qu’il soit trop protocolis­é. Il ne faut pas que l’intelligen­ce artificiel­le gomme l’aspect humain. C’est pourquoi j’ai toujours évoqué le terme de modernité réfléchie », argumente-t-il. Autre volonté toujours brandie par le colonel : ne pas faire fi du passé. En 2009, après trois années de plongée dans les archives monégasque­s et d’écriture, le colonel pond un épais bouquin de 460 pages retraçant un siècle d’existence du corps des sapeurspom­piers de la Principaut­é. «Ilfaut connaître nos racines, que le Corps les cultive. Il faut savoir d’où l’on vient. L’histoire est fondamenta­le. La connaître, ce n’est pas être passéiste. »

Ne pas oublier le passé, donc, ni les frères d’armes partis trop tôt. Eric Otto, David Eyermann, Stephan Hertier et Matis Canavese. « Ils doivent rester gravés dans nos mémoires à jamais », a-t-il insisté auprès de ses hommes, avant de quitter le service actif.

Je crains que le pompier ne devienne un robot”

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