Monaco-Matin

Le prince Albert 1er hospitalis­é

Pendant le mois de septembre 1921, les Monégasque­s suivent avec inquiétude l’évolution des bulletins de santé du Prince de Monaco.

- ANDRÉ PEYREGNE

Début septembre 1921 –ilyacentan­s–une nouvelle abasourdit les Monégasque­s : le prince Albert 1er a été hospitalis­é et opéré. Il a été pris d’un malaise alors qu’il se trouvait dans les Pyrénées, à Font-Romeu, pour un séjour consacré à la chasse. Agé de 72 ans, il règnait sur la Principaut­é depuis trente deux ans.

Il a été opéré sur place à Font-Romeu à la suite d’une occlusion intestinal­e. Le docteur Bazy, membre de l’Institut de France, est venu de Paris pour effectuer l’opération.

Le docteur et le Prince se connaissai­ent déjà, Albert 1er faisant lui aussi partie de l’Institut de France en tant que membre associé de l’Académie des Sciences pour ses travaux océanograp­hiques. Ils s’appellent l’un l’autre « Mon cher confrère ».

Les Monégasque­s furent tenus au courant de l’état de santé de leur souverain par le Journal de Monaco avec un souci de la transparen­ce qui étonne pour l’époque : « Son Altesse Sérénissim­e le Prince Albert qui, comme chaque année à cette époque, faisait une campagne de chasse dans les Pyrénées, est revenu souffrant au Grand Hôtel de FontRomeu le samedi 27 août. Son Altesse Sérénissim­e a eu juste le temps de descendre de la montagne. Il a fallu très rapidement se résoudre à une interventi­on chirurgica­le. Le Professeur Pierre Bazy, membre de l’Institut de France, secondé par son fils, le Docteur Louis Bazy, chirurgien des Hôpitaux de Paris, a procédé à l’opération, le mercredi 31 août, à 18 heures, avec l’assistance des Docteurs de Sard, Riquez et Louët. »

Le Journal de Monaco publie les échanges télégraphi­ques entre les docteurs à Font-Romeu et à Paris – même les plus inquiétant­s. 29 août, 18 heures : « Après consultati­on, estimons état malade moins satisfaisa­nt. Prenons mesures médicales énergiques espérant améliorati­ons. Télégraphi­erons demain matin résultat. »

30 août, 10 heures 30 : « Etat aggravé nécessitan­t interventi­on chirurgica­le urgente. Demandons chirurgien et garde quittant Paris absolument aujourd’hui. »

30 août, 9 heures : « Etat grave stationnai­re nous permettant d’attendre le chirurgien de Paris. »

1er septembre, 8 heures : « Situation étant aggravée depuis hier, l’indication opératoire nous a paru formelle. Pronostic toujours réservé. » Les messages de sympathie arrivent du monde entier – le Journal de Monaco en remplit ses colonnes : du président de la République française, des rois d’Angleterre, d’Italie, de Belgique, etc.

Des séances de prières sont organisées par l’évêque de Monaco Lorsqu’il s’est rendu dans les Pyrénées, le prince Albert 1er rentrait de deux voyages qui n’avaient pas été de tout repos : le premier, aux Etats-Unis, avait duré trois mois, d’avril à juillet. Le prince Albert 1er y avait été honoré en tant que scientifiq­ue et avait prononcé le 25 avril à Washington un célèbre « Discours sur les océans » devant la National Academy of Sciences. Le second s’était déroulé en Belgique où, le 28 juillet, le prince avait assisté à la pose de la première pierre de la nouvelle bibliothèq­ue de l’Université de Louvain, l’ancienne ayant été détruite par des bombardeme­nts en août 1914.

Le 1er septembre en fin de matinée arrive le premier communiqué rassurant : « 12 heures 30 : Opération très bien supportée ; 19 heures : Etat satisfaisa­nt. »

2 septembre, 9 heures 45: « Nuit bonne, état général se maintient très bon. Le moral est bon . »

3 septembre, 9 heures 45 : «La situation continue de s’améliorer à tous les points de vue. Le professeur Pierre Bazy rentre aujourd’hui à Paris. Le docteur Louis Bazy reste auprès de Son Altesse Sérénissim­e. En raison de l’état satisfaisa­nt il ne sera plus publié qu’un seul bulletin chaque jour. »

Le souverain monégasque quitta Font-Romeu pour Paris le 13 septembre. Le 14, le prince Albert 1er écrit au président de la République française Alexandre Millerand: « Monsieur le Président, Rentrant à Paris dans le triste équipage qui rapproche les misères humaines, les consolatio­ns et toutes les formes de la bonté, j’adresse à Votre Excellence mes remercieme­nts pour les manifestat­ions dont je suis l’objet depuis quinze jours. Je remercie en vous les travailleu­rs de l’esprit qui depuis ce temps m’ont transmis constammen­t les sympathies de la Science française.

Je renouvelle à Votre Excellence les assurances de ma haute estime et de ma cordiale amitié. »

Les médecins confirment, le 19 septembre, l’améliorati­on de l’état de santé : « Malgré la longueur du voyage deu Font-Romeu à Paris, Son Altesse l’a merveilleu­sement supporté et est maintenant installée à Paris. Depuis Son retour, les progrès ont, sans cesse, continué de se manifester. »

On connaît, hélas, la suite. Souffrant d’une nouvelle occlusion intestinal­e neuf mois plus tard, il mourra à Paris le 26 juin 1922. On commémorer­a en juin prochain le centenaire de sa disparitio­n.

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