État de la Méditerranée : un combat au long cours
Voilà vingt ans que l’Ifremer et l’Agence de l’eau surveillent notre façade maritime pour mieux la protéger. Alors que s’ouvre le Forum mondial de la mer, la lutte contre les contaminants chimiques est un enjeu majeur. Des efforts payants… à poursuivre.
Comment se porte la Méditerranée ? Après vingt ans de surveillance assurée par l’Ifremer (1), couplés aux actions menées à terre par l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, l’heure est au bilan et aux perspectives. Cet été, dans les locaux de l’Ifremer, à La Seyne, plusieurs spécialistes de la question se sont réunis
(2) pour évoquer l’état de contamination chimique de notre façade maritime. Commençons par une bonne nouvelle : « Contrairement à l’idée très répandue que la Méditerranée est un milieu extrêmement pollué, 90 % des résultats [collectés sur les nombreux points de suivis installés en Méditerranée française, ndlr] sont inférieurs aux seuils réglementaires », se réjouit le chercheur Marc Bouchoucha.
Rejets en mer : une révolution salvatrice
Les progrès faits en matière d’assainissement y sont pour beaucoup : « Aujourd’hui, sur ce littoral, il y a plus de 280 systèmes d’assainissement. Il y a moins de trente ans en arrière, il y en avait seulement une petite cinquantaine », complète un autre expert, Pierre Boissery. Avant, tout ce que l’humain produisait, organiquement ou non, partait directement à la mer sans passer par la case épuration. Aujourd’hui, aussi, il y a beaucoup moins de rejets industriels.
% de points de suivis très pollués
Et depuis des années, un important travail est réalisé par l’Agence de l’eau pour détecter les petites sociétés polluantes, tout en les accompagnant financièrement et techniquement vers des solutions plus propres… L’interdiction de certains insecticides, herbicides et autres polluants, ainsi que la fermeture d’exploitations minières, ont également fait considérablement baisser leur concentration en mer. Mais, par endroits, les écosystèmes sousmarins subissent encore de lourdes conséquences, comme en Corse. Pour les vigiles de la Méditerranée, la mission est donc loin d’être terminée. Si la situation est globalement satisfaisante, de nombreux défis les attendent encore, comme la lutte contre l’émergence de nouveaux contaminants – les industries et l’agriculture en produisent régulièrement de nouveaux – ou des pistes d’amélioration autour des 10 % de points de suivis où la pollution reste élevée. De l’espoir, certes, mais encore beaucoup de travail. « Préserver la biodiversité », le défi sera d’ailleurs l’un des grands débats au programme, vendredi et samedi, du quatrième Forum Mondial de la Mer organisé à Bizerte (Tunisie). Un grand rendez-vous centré sur « La Méditerranée des projets », auquel participeront le prince Albert II et une forte délégation française dont Robert Calcagno (institut océanographique de Monaco), Patricia Ricard (institut Paul Ricard) et François Houllier (IFREMER). Une présence internationale pour rappeler qu’aussi petite soit notre mer commune, ce n’est au prix d’une vaste mobilisation que sa santé sera préservée.
1. Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer
2. Les intervenants : Laurent Roy, directeur général de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse ; François Houllier, Président-directeur général de l’Ifremer ; Marc Bouchoucha, chercheur en environnement marin au centre Ifremer de Méditerranée à La Seyne-sur-Mer ; Pierre Boissery, expert Mer de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse ; Daniel Lafitte, biochimiste et directeur de la plate-forme de spectrométrie de masse de la faculté de pharmacie d’Aix-Marseille Université ; Daniela Banaru, maître de conférences en biologie et écologie marine à l’Institut méditerranéen d’océanologie (MIO – Aix-Marseille Université).