Emballé c’est pesé !
Pauvre Arc de Triomphe ! Le monument au pied duquel on ravive chaque soir à h la flamme du soldat inconnu n’a plus le feu sacré. Pire, on l’accable de tous les mots, de tous les maux.
Après avoir subi les affronts d’une horde de gilets jaunes – pardon de casseurs déguisés en gilets jaunes –, voilà qu’on le travestit en paquet-cadeau. Et bien, pour être tout à fait honnête, et n’en déplaise aux grincheux de tous poils, moi, cet emballage posthume de Christo et Jeanne-Claude, j’adore ! D’abord car je crois bien n’avoir jamais connu de plus belle jouissance artistique qu’en parcourant en , alors étudiant parisien, en long et en large une bonne vingtaine de fois, le Pont-Neuf emballé par les mêmes artistes. À l’époque déjà, qu’avions nous pas entendu sur l’incongruité d’une telle « performance », son coût, son inutilité, sa laideur même. Et pourtant des millions de Parisiens et de touristes étrangers ont foulé et refoulé la toile dorée du vénérable ouvrage. S’interrogeant d’ailleurs sur ce que le plus vieux pont de Paris pouvait bien cacher sous les plis de sa toile éphémère... Dix ans plus tard, ce sont les visiteurs du Reichstag à Berlin qui ont redécouvert, grâce à une nouvelle installation du couple, ce monument tristement emblématique de l’histoire allemande. Comme s’il fallait cacher pour mieux révéler. Chez nous, l’Arc de Triomphe célèbre les victoires françaises, et honore nos soldats morts au combat. La toile imaginée par Christo sublime sa part de mystères, le sens profond de son existence.
Il s’en trouve évidemment pour considérer que cette « folie » est le fruit d’un énième délire de la maire de Paris. Associant même l’oeuvre à l’Hidalgo-bashing du moment qui pullule sur les réseaux sociaux avec le hashtag #saccageparis. La désormais candidate à la présidentielle n’a pas bon sur tous les plans, certes. Elle n’a pas toujours tout faux non plus... Et que dire des Cassandre qui hurlent au gaspillage de l’argent public ? Tous simplement que ces m² de tissu recyclable argent bleuté et mètres de corde rouge n’ont pas coûté un sou au contribuable. Le projet à millions d’euros a été entièrement autofinancé grâce à la vente aux enchères d’oeuvres originales de Christo...
Il est de bon ton dans notre pays de polémiquer sur tout. Que l’on aime ou pas cet emballage du XXIe siècle, ne pouvons-nous pas simplement l’apprécier pour ce qu’il est ? Une oeuvre qui interpelle, qui dérange ou qui fascine, bref qui fait parler.
Au fait, n’est-ce pas le propre de l’art que d’animer les débats, au-delà de toute stérile polémique ?
« La toile imaginée par Christo pour l’Arc de Triomphe sublime sa part de mystères, le sens profond de son existence »