Monaco-Matin

Adastra : thriller d’auteur avec un réalisateu­r niçois

La société cannoise produit le premier film, prometteur sur le papier, du franco-géorgien Akaki Popkhadze, issu d’une famille de réfugiés à Nice, qui a dû s’intégrer en rêvant de cinéma.

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

En voilà un qui ne peut renier ses racines. Brun comme un Géorgien. Solide comme un lutteur du Caucase. Assis sur la banquette, Akaki Popkhadze en impose dans les nouveaux locaux d’Adastra, au sein des bâtiments universita­ires cannois. Force tranquille, qui masque une farouche volonté de réussir. Et de réaliser ses rêves de cinéaste.

À 30 ans, le Niçois est le dernier coup de coeur de la société de production cannoise, qui place beaucoup d’espoir dans son premier long-métrage, Brûle le sang (cidessous). « J’ai été bluffé par son premier moyen-métrage, un seul plan séquence de 36 minutes qu’Akaki a tourné à Nice, de la promenade des Anglais à Saint-Charles-Roquebillè­re. On voulait absolument produire son prochain film », souligne Sébastien Aubert, cofondateu­r d’Adastra.

Les images pour amis

Le cinéaste en devenir ne manque pas de caractère. Son parcours étonne, détonne, signe d’une vraie personnali­té artistique. Fils de réfugié politique, Akaki, né à Tbilissi mais grandi en Russie, est arrivé à Nice sans parler un mot de français. Dans son quartier de Riquier, il côtoie maghrébins et gitans, à 14 ans, et apprend l’argot de la rue avant la langue de Molière.

Mais le langage des images lui parle tout de suite. Permet de combler ses manques.

« Au début, je n’avais pas vraiment d’amis et regarder des films et séries permettait de rompre avec ma solitude », confie-t-il quasiment sans accent. Je visionnais en boucle The Mask, Indiana Jones, Piège de cristal, mais les mots, je les ai appris en regardant Hercule Poirot. »

Et en pratiquant le judo, car le gaillard a aussi enfilé le kimono au dojo du port à Nice. Pratique toujours le sambo. Au lycée Masséna, chez de nouveaux copains du Mont Boron, il découvre un autre Nice, « avec de belles maisons et des repas entrée-plat-dessert ».

Ses études de commerce et management le conduisent d’abord à monter une société d’importatio­n de vins géorgiens. Mais son amour enivrant pour le 7e art lui donne soudain la gueule de bois. «Àun moment, je me suis retrouvé seul assis sur un banc, en costume cravate, à comprendre que ça ne me correspond­ait pas. »

Cinéphile et cinéphage

Avec courage, Akaki s’inscrit au concours d’entrée de l’ESRA, « alors que je n’avais jamais rien filmé, je n’avais pas eu d’enfance avec une caméra Super 8 pour cadeau d’anniversai­re ».

Réalise une analyse filmique d’À bout de souffle, est admis à l’école et, tel Tarantino, devient cinéphile, lui qui était déjà cinéphage.

« Quand on veut entrer dans le milieu fermé du cinéma, en plus d’avoir quelque chose à dire et à montrer, il faut être cultivé », souligne cet ambitieux, qui vient de devenir papa. Exemple d’intégratio­n, « mais sans assimilati­on », Akaki puise dans sa dualité culturelle et ses goûts multiples pour nourrir son identité d’auteur. Qui sait si ce destin atypique ne le conduira pas jusque sur le tapis rouge cannois.

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(Photo A.C.) Sébastien Aubert et Akaki Popkhadze : et si leur film faisait l’avant-première au Cineum un jour ?

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