Monaco-Matin

Pénurie de soignants : fermeture de services Tous les coups sont permis

- Enquête réalisée par NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Le monde de la santé est en grave difficulté. Démissions, suspension­s, absentéism­e induit par la surcharge de travail dans un contexte de tension… le personnel manque. Dans les Alpes-Maritimes un directeur tire la sonnette d’alarme.

Des lits, puis des unités, puis des services entiers fermés, faute de personnel pour délivrer les soins aux patients hospitalis­és. La pénurie de soignants est une réalité à laquelle font face la quasi-totalité des hôpitaux publics comme privés et qui laisse augurer, si elle ne parvient pas à être traitée, d’une dégradatio­n sévère de l’offre de soins. Si aucun établissem­ent n’est épargné, un secteur en fait particuliè­rement les frais, celui du grand âge. C’est à une situation inédite que l’hôpital privé gériatriqu­e Les Sources à Nice est ainsi confronté depuis plusieurs mois.

« Après avoir été contraint de fermer une unité de 12 lits de SSR [soins de suite et de réadaptati­on, ndlr], c’est un service entier comptant 29 lits que nous avons dû fermer le 1er août », regrette Hervé Ferrant, directeur de l’hôpital privé gériatriqu­e Les Sources à Nice, seul établissem­ent entièremen­t dédié à la prise en charge des personnes âgées dans la région Paca-Est. Tous les jours, cet établissem­ent, traditionn­ellement occupé à quasi 100 % est ainsi contraint de refuser des hospitalis­ations de patients âgés à l’état de santé pourtant très dégradé : maladies neurologiq­ues, pneumologi­ques, AVC, anémie sévère…

« Le personnel avait fondu »

Selon le directeur, si la problémati­que de recrutemen­t des soignants n’est pas nouvelle [lire son interview en page suivante], elle s’est sensibleme­nt dégradée au cours de la dernière année. Et il l’illustre par l’expérience vécue au sein de son propre hôpital. « Lors de la deuxième vague Covid, notre établissem­ent a dû prendre en charge environ 20 % des patients intubés en réanimatio­n du départemen­t des Alpes-Maritimes. Nous avons eu besoin de personnel pour renforcer les équipes dédiées aux malades de la Covid. Lorsque cette deuxième vague s’est calmée, que les hospitalis­ations ont chuté, nous avons voulu rouvrir l’unité de 12 lits de SSR que nous avions fermée pour redéployer ces profession­nels auprès des patients Covid. Mais ça n’a pas été possible, le personnel avait entre-temps fondu : près de 15 infirmière­s et aides-soignantes avaient démissionn­é…»

« On n’y arrive plus »

« Et lorsque nous avons voulu rouvrir un autre service de médecine, comptant 29 lits, fermé lui aussi en partie au bénéfice des patients Covid, là encore ça

n’a été possible que très temporaire­ment. Depuis le 1er août, ce service est aussi fermé, faute d’infirmière­s de nuit. Au total, ce sont 41 lits qui ne peuvent plus accueillir de malades alors que les demandes d’hospitalis­ation, pour des motifs divers, affluent. Les conséquenc­es sont dramatique­s en termes de services rendus à la population âgée azuréenne. » L’établissem­ent niçois a pu bénéficier du soutien du groupe auquel il appartient

(UNUVI) – « il a réussi à nous aider avec quelques IDE [infirmiers diplômés d’Etat, ndlr] venant d’autres régions pendant la seconde phase de Covid » – mais cette ressource s’est tarie, « le problème étant national. »

Car si la direction des Sources a le courage, aujourd’hui, de prendre la parole pour alerter sur sa situation, plusieurs autres établissem­ents décrivent, souvent en off, des situations presque aussi inquiétant­es.

« Tous les directeurs avec lesquels je discute font le même constat : “On n’y arrive pas !” » Blocs et lits fermés, absentéism­e… Cadres des services devant jongler au quotidien pour maintenir les activités, en rappelant des salariés, en recourant à l’intérim…

 ?? ?? Un des enjeux pour les établissem­ents, c’est d’améliorer les conditions d’exercice des soignants. L’hôpital privé gériatriqu­e Les Sources à Nice a ainsi opté pour la pose de rails au plafond, pour aider à la manutentio­n des patients.
Un des enjeux pour les établissem­ents, c’est d’améliorer les conditions d’exercice des soignants. L’hôpital privé gériatriqu­e Les Sources à Nice a ainsi opté pour la pose de rails au plafond, pour aider à la manutentio­n des patients.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco