Monaco-Matin

« La première fois que l’on est confronté à de tels problèmes de recrutemen­t »

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Hervé Ferrant, directeur général de l’hôpital privé gériatriqu­e Les Sources à Nice, est inquiet de la situation actuelle avec l’hémorragie de personnel soignant. Même si le phénomène n’est pas nouveau, il est particuliè­rement préoccupan­t.

La pénurie de soignants n’est pas une problémati­que nouvelle...

C’est exact ; on se souvient qu’il y a douze ans, on s’est retrouvé dans une telle situation de tension que l’on a dû faire appel à des infirmière­s étrangères, espagnoles notamment. Mais, la situation est bien pire aujourd’hui. Jamais jusqu’à présent, on n’avait fermé des lits pour des problèmes de personnel.

En quarante ans d’exercice, c’est la première fois que je me retrouve confronté à de telles difficulté­s de recrutemen­t.

Comment expliquez-vous l’aggravatio­n récente ?

Plusieurs facteurs intervienn­ent. « Les huit lits devaient être repris par le CHU de Nice, mais aucun projet bien construit n’a été proposé. Aussi est-il probable que ce service restera dans nos murs au moins pendant

Pour Hervé Ferrant, « la situation est bien pire aujourd’hui ».

L’ouverture des lits Covid, les renforts en réanimatio­n, en soins critiques, nous ont obligés à fermer des lits et à redéployer les personnels, qui se sont retrouvés à exercer dans d’autres services que ceux auxquels ils étaient rattachés, ce qui a participé à leur épuisement. La surcharge de travail induite par la Covid a juste titre, rappelle combien ces lits de réanimatio­n gériatriqu­e ont été utiles au plus fort de la vague, alors que les personnes âgées ont été les premières victimes. conduit à la démission de quelques soignants et aussi à beaucoup d’absentéism­e. Ce qui a encore accru la charge de travail pour les personnels en place alors que l’on était à flux tendu.

Comment expliquez-vous les démissions ?

Il y a toujours eu un turnover important des infirmiers dans les hôpitaux. Les Sources étaient même de ce point de vue plutôt protégés avec un turnover inférieur à la moyenne nationale : la durée de présence des IDE dans l’établissem­ent est de  ans en moyenne. Mais là, j’insiste, ce sont les difficulté­s pour recruter qui sont inhabituel­les, et en particulie­r le personnel de nuit. Le travail de nuit – qui indiscutab­lement a un impact sur la santé et la vie de famille pour un gain financier modeste – n’attire plus du tout les nouvelles génération­s de soignants. Le monde du grand âge non plus. Pour nous, c’est la double peine. Mais de façon générale, et à la décharge des paramédica­ux, il faut reconnaîtr­e que les conditions de travail à l’hôpital, sont devenues très dures ; il y a une forte pression à la productivi­té. Animé par la volonté de faire des économies, on a serré les vis en se disant qu’il y avait du mou à l’hôpital…

Avec la crise, vous avez aussi subi la concurrenc­e des centres de vaccinatio­n Covid et autres...

La réalisatio­n de tests et vaccins a été, en effet, un pourvoyeur important d’emplois très bien payés pour les soignants. Beaucoup plus, dans tous les cas, 34,90 € qu’à l’hôpital. Cela nous a fait beaucoup de mal, dans la mesure où habituelle­ment, on recrute beaucoup de CDD (suivant leur volonté). Et c’est ce personnel qui a été « détourné » pour la vaccinatio­n et les tests.

Que font les tutelles on pense notamment àl’ARS?

Toutes les semaines depuis des mois, on fait un point sur les effectifs avec l’ARS. Mais elle n’a pas de solution à nous proposer, sachant qu’au niveau national les aides en personnel se sont concentrée­s sur les DOM-TOM qui connaissai­ent une situation encore plus catastroph­ique.

Quel levier entendez-vous utiliser aujourd’hui pour recruter ?

Comme les autres établissem­ents, nous allons actionner le levier financier, en proposant des primes et une valorisati­on salariale. On se mobilise aussi beaucoup sur les conditions de vie au travail ; on propose aux salariés des activités type sophrologi­e, shiatsu, etc. susceptibl­es d’améliorer le bienêtre. On respecte leurs voeux de congés, les plannings… On travaille enfin sur les conditions d’exercice ; la pose de rails au plafond permet par exemple aux soignants d’être soulagés de porter les malades les plus dépendants. Mais force est de constater que malgré ces actions importante­s en matière de qualité de vie au travail – pour laquelle Les Sources ont même été établissem­ent pilote pour l’ARS Paca – la difficulté de recruter reste entière.

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