Monaco-Matin

Aux assises, la double peine des parents de Tom Nice.

Ils ont déposé leur enfant chez sa nounou à Ils ont récupéré une poupée de chiffon et subi huit ans de procédure judiciaire sans que rien ne leur soit épargné.

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin

Deuxième jour du procès de Sandrine, 39 ans, assistante maternelle, devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes, jugée pour « des violences volontaire­s ayant entraîné une infirmité permanente sur un mineur de moins de quinze ans » (lire également nos éditions d’hier).

Moult experts se sont succédé à la barre pour confirmer le diagnostic posé dès l’entrée de Tom, 6 mois, en réanimatio­n à l’hôpital Lenval, en septembre 2013. Tom est un bébé secoué. Alors qu’il ne présente aucune trace de coup ou de chute, ses lésions cérébrales rappellent celles rencontrée­s dans les accidents de la route.

Depuis lundi, la Cour et les jurés sont accablés d’expertises médicales et techniques, abreuvés de termes techniques et abstraits. Et puis s’approche de la barre, Jennifer, la mère de Tom. La salle d’audience est suspendue à ses lèvres. « Tom est né le 13 mars. Il est magique. Vous le portez, vous le chérissez, vous l’aimez. [...] Forcément c’est fabuleux. Si je n’avais pas eu besoin de travailler, je serais restée chez moi avec mon fils. Et je ne serai pas là devant vous avec tous ces sentiments... que j’aurai à vie. »

Jennifer s’interrompt, rattrapée par le chagrin. « Quand je l’ai déposé ce jour-là, il avait le nez qui coule, il n’avait pas bien dormi. Il n’y avait rien de plus. Un grand sourire, il a pris son bibi. Tout était exactement comme à l’accoutumée. Et je le récupère à l’article de la mort, on me dit qu’on ne sait pas s’il va s’en sortir. » Le calvaire de Jennifer et de son mari Damien, ne fait que commencer.

En plein cauchemar

« Je voudrais tout oublier, je ne peux pas, confie Jennifer, en larmes. J’aimerais être aussi catégoriqu­e que tous les experts. Moi je ne me souviens même pas être arrivée à l’hôpital. Je me revois assise en service de réanimatio­n. Mon fils est dans le coma. Pas de jouets, l’odeur de l’hôpital, plein de tuyaux… ce n’est pas son environnem­ent habituel. J’ai besoin de lui lire un livre pour le rassurer. Je me souviens de ça. » Un professeur leur annonce que Tom présente les symptômes d’un bébé secoué. Il mime les gestes qu’il a subis. Jennifer hurle. Elle et son mari avaient quitté Paris pour une nouvelle vie dans le sud. Ils nagent en plein cauchemar.

La situation est signalée au procureur. Une enquête est lancée. Les parents au même titre que l’assistante maternelle figurent au rang des suspects.

La justice leur explique que Tom sera placé. Après avoir été à son chevet 22 heures sur 24, ils n’ont plus le droit de le voir en dehors d’une heure, trois fois par semaine, en présence d’une tierce personne. Ils sont placés en garde à vue. Le calvaire continue.

«Ilauraans àvie»

Deux mois plus tard, Tom est rendu à ses parents. Les séquelles de son hémorragie cérébrale sont très graves. Il est lourdement handicapé. « Imaginez le jour où l’on ne sera plus là ou quand on ne pourra plus le porter aux toilettes. Qui le fera ? », questionne Jennifer. « À8 ans, il fait des câlins aux inconnus, il prend la main de tout le monde… Il n’a aucune notion du danger. Mon fils aura 2 ans à vie. »

« Je m’en voudrai toujours. J’aurais dû le sentir, le voir, je suis sa mère. Si j’avais eu le moindre doute, jamais je n’aurais confié mon fils. » La présidente Catherine Bonnici tente quelques mots d’apaisement. « Tom a beaucoup de chance d’avoir une maman comme vous. » Sa prévenance et son tact n’effacent pas huit années d’incertitud­e et de souffrance. « Qu’attendez-vous de ce procès ? » questionne la magistrate.

« Je veux juste que Tom soit reconnu victime d’un geste odieux. Il ne s’est pas fait ça tout seul .... Excusez-moi je suis en colère. »

 ?? (Photo d’illustrati­on Unsplash) ?? « Quand je l’ai déposé ce jour-là, il avait le nez qui coule, il n’avait pas bien dormi. Il n’y avait rien de plus. »
(Photo d’illustrati­on Unsplash) « Quand je l’ai déposé ce jour-là, il avait le nez qui coule, il n’avait pas bien dormi. Il n’y avait rien de plus. »

Newspapers in French

Newspapers from Monaco