Si le courage faisait école...
Son prénom, c'est Rohullah. La photo laisse deviner sa jolie tunique verte de rentrée. Son visage aux traits réguliers est éclairé par de grands yeux noisette. Un sourire timide – ou inquiet – tend le coin de ses lèvres. Il tient une feuille blanche sur laquelle se tortillent des lettres bleues en alphabet arabe : « Nous n’irons plus à l’école sans nos soeurs. » Rohullah est en terminale dans un lycée de Kaboul. Comme des centaines de jeunes Afghans, il a posté un message sur les réseaux sociaux pour protester contre l'exclusion des filles du système éducatif. Car si les collèges et lycées ont rouvert leurs portes vendredi dernier, c’est uniquement « pour les élèves et les professeurs masculins ». Quid des collégiennes ? Des lycéennes ? Des enseignantes ? « Nous travaillons sur des mécanismes permettant de rendre leur scolarisation possible », affirme sans ciller le porteparole des talibans. Un « rapport » sur la manière de mettre en place
« un environnement sûr » pour les adolescentes et les adultes serait «à l'étude ». L'Unicef a réagi… en se félicitant de la réouverture des établissements secondaires en Afghanistan. Les États ? Embarrassés. Ils réfléchissent au moyen de répondre diplomatiquement aux nouveaux maîtres du pays qui souhaitent prendre la parole à l'Onu. Ils songent aux implications géopolitiques, à l'équilibre des forces en présence, aux États-Unis et à la Chine qui poussent leurs pions sur cette terre brûlée. Ils ne perçoivent pas les cris sourds des millions d'ombres privées de classe. Ils ignorent le courage de ces garçons qui s'exposent au nom de leurs mères, de leurs soeurs, de leurs voisines. Ils font comme si le pire n'était pas probable. Comme si les talibans n'avaient jamais régné sur cette partie du monde. Lorsque les derniers Rohullah auront été châtiés et muselés, lorsque la révolte des Afghanes aura été étouffée, il sera trop tard pour s'indigner.
Il ne restera à l'Occident que la honte des valses-hésitations, des paroles non-dites. Et le souvenir des lettres bleues sur un papier blanc, suppliques muettes que personne n'aura voulu entendre.
« Ils font comme si le pire n’était pas probable. Comme si les talibans n’avaient jamais régné sur cette partie du monde. »