Monaco-Matin

Bébé secoué à Nice :  ans de réclusion à la nounou

La cour d’assises des Alpes-Maritimes a lourdement condamné une assistante maternelle de 39 ans. Coupable de violences sur un nourrisson, elle a été incarcérée hier soir.

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Tom, 6 mois, a été attrapé par les aisselles le 20 septembre 2013. Il a été secoué. Quelques secondes. Son cerveau a heurté à multiples reprises sa boîte crânienne. L’hémorragie a été massive. Le bébé, sauvé in extremis par les chirurgien­s, est aujourd’hui handicapé à vie. L’assistante maternelle qui avait la garde de l’enfant le jour du drame a été reconnue coupable de violences volontaire­s ayant entraîné une infirmité permanente. Impassible pendant ses trois jours de procès, niant jusqu’au bout et avec vigueur avoir maltraité Tom, Sabine Huche, 39 ans, n’avait jamais passé le moindre jour en détention provisoire. A l’annonce du verdict – seize années de réclusion criminelle – l’accusée, enceinte de sept mois et demi, s’est assise, le visage couvert de larmes.

Le diagnostic du syndrome du bébé secoué, ou « traumatism­e crânio-cérébral non accidentel », dont a souffert Tom, est parfois l’objet de controvers­es. Me Marine Ruta, avocate des parents de Tom, coupe court à toute polémique dès l’entame de sa plaidoirie : «Madame Huche a secoué Tom. C’est le résultat de sept ans d’instructio­n, de huit médecins experts, les meilleurs. Mais madame ajoute au déshonneur du crime celui du mensonge. A l’écouter, il ne s’est rien passé. »

« Une leçon trop bien apprise »

Me Sandrine Sutton, conseil de la Fondation Acte Pélican, administra­teur ad hoc de Tom, élève la voix pour s’exprimer au nom de l’enfant : « Madame Huche a volé ma vie… Quelle arrogance, madame, quand vous vous étonnez des certitudes des experts ! Vous avez un sang-froid hors du commun. » Me Sutton n’a pas l’ombre d’un doute sur la culpabilit­é de la nounou. Elle cite un expert de la Cour de cassation entendu jeudi : « Les aveux sont rares dans le cas des bébés secoués. Surtout chez les assistante­s maternelle­s qui nient l’évidence. »

Tom, 8 ans, aujourd’hui, est infirme malvoyant, souffrant de graves séquelles neurologiq­ues. « Il reste coincé dans le cerveau d’un enfant de 2 ans », rappelle l’avocate de la partie civile. Comble du déshonneur, alors que le pronostic vital de l’enfant était encore engagé, Sandrine Huche a réclamé aux parents de Tom 300 euros d’arriérés de salaires devant les prud’hommes. Pour l’avocat général Marc Ruperd, « madame a répété par coeur une leçon trop bien apprise mais les faits sont têtus ». Le magistrat reprend à son compte les conclusion­s d’un légiste : « Assurément cet enfant a été secoué. Un secouement unique, violent, gravissime. Ces lésions ont lieu dans le même trait de temps que les violences », insiste le magistrat. Conclusion : A 13 heures, Mme Huche est la seule à avoir pu commettre ces violences, alors que les parents lui avaient confié leur petit le matin à 8 heures. Était-elle en colère ? Déprimée

? Voulait-elle faire taire l’enfant, dépassée par la situation de gérer trois enfants en même temps ? « On peut tout imaginer », confie l’avocat général, frustré comme les parties civiles, de n’avoir aucune réponse de l’accusée. « Madame était agréée, avait reçu une formation. Elle savait les conséquenc­es désastreus­es de ces violences sur un être sans défense. » Le magistrat réclame six ans d’emprisonne­ment, une peine, selon lui « à la hauteur des larmes et du malheur et de la gravité des faits et des conséquenc­es terribles pour cet enfant ». Sandrine Huche, assise sur le premier banc, libre encore pour quelques heures, ne réagit pas.

Plaidorie pour un acquitteme­nt

Son avocate, Me Rozenna Gorlier, plaide l’acquitteme­nt. Elle n’en a jamais fait mystère tout au long des débats, forte d’attestatio­ns élogieuses de parents qui ont employé Sandrine Huche. La défense ironise sur « ceux qui ont cherché, cherché » la moindre faille dans la vie sans accroc de sa cliente. Un détachemen­t supposé, un prétendu comporteme­nt suspect, un ton jugé inappropri­é... « Tout a été exploité mais il n’y a rien », tonne l’avocate. Peut-on condamner une femme sur le seul fondement d’expertises médicales ou sur une apparente froideur ? L’associatio­n Adikia (regroupant 300 familles) a demandé au Conseil d’État de rejeter les recommanda­tions de la Haute Autorité de santé en matière de diagnostic des bébés secoués, arguant d’erreurs judiciaire­s. Son recours a été rejeté. Tout comme les arguments de Me Gorlier. La cour et les jurés, bouleversé­s jeudi soir par les déposition­s de Jennifer et Damien, les parents de Tom, n’ont pas apprécié, manifestem­ent les faux-fuyants de l’accusée. Et lui ont fait chèrement payer. Me Gorlier a annoncé qu’elle ferait appel dès lundi du verdict.

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