Monaco-Matin

Belvédère : les oubliés du hameau des Adrets-Cougnas

Depuis la tempête Alex, quatorze maisons ne sont raccordées à l’eau... d’un canal, que par des tuyaux bricolés peu fiables. Alors que des millions d’euros tombent partout, ils se sentent délaissés

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Une propriétai­re de gîte enceinte, des enfants, une éleveuse, des retraités, des animaux en pagaille… Dix-sept maisons se nichent dans le hameau des Adrets-Cougnas, perché au bout d’un chemin de terre tout juste carrossabl­e, à quelques centaines de mètres du centre de Belvédère et de ses 660 habitants au total.

Quelques familles à l’année dans ce petit paradis, mais... pas d’eau courante. Pour être exact, leur alimentati­on ne tient plus qu’à un ensemble de tuyaux brinquebal­ants. Près d’un an après la tempête Alex, le quartier se sent délaissé. Car, dans sa fureur, la bombe météorolog­ique a balayé une colline et leur canal naturel d’adduction d’eau avec. C’est lui qui alimentait leurs maisons jusque-là. Alors les habitants ont, depuis, dû se retrousser les manches. « Mais nous nous sentons oubliés », témoigne Marianne Delande, 31 ans, propriétai­re du gîte.

Un écrin très fragile

Les « écrins de Belvédère » de Marianne Delande portent bien leur nom. La jeune maman y propose des cabanes dans les arbres, perchées face à un cirque naturel exceptionn­el.

La jeune maman, enceinte, s’inquiète de l’arrivée de l’hiver. Sans eau potable, impossible de tenir ses gîtes et de faire vivre sa famille.

Du bleu, du vert, des cerfs. Et des chambres cocon avec hublot sur les étoiles et produits de la ferme sur la table. Enceinte, Marianne gère avec son compagnon Rémy ce petit domaine où cohabitent Valse et Manon, les ânesses, cinq chèvres, sept moutons, des oies, des chiens. Les faisans, eux, n’ont pas survécu à une attaque de renard. Manon, sept ans, veille jalousemen­t sur ses lapins. Pas touche. Mathieu, 11 ans, complète le tableau familial. Leurs voisins sont majoritair­ement des personnes âgées. Contrairem­ent au village, le hameau n’a jamais été raccordé à l’eau courante. Il n’est pas le seul dans ce cas. Les riverains captaient jusque-là l’eau du canal des Adrets et la potabilisa­ient au pied de chaque demeure. Ils se sont depuis des années constitués en associatio­n, que préside Marianne depuis peu.

Ils captent dans le canal dévasté

Jusqu’au cauchemar de la tempête Alex. Depuis, tous sont au chevet de leur tuyau, constitué de longs raccords et qu’on voit suspendu par endroits. Il capte dans le canal dévasté. Il rompt régulièrem­ent ou menace de céder face au gel hivernal. Alors chacun au hameau se retrousse les manches pour réparer.

Le maire de Belvédère, Paul Burro, les soutient [lire ci-dessous]. « Mais je m’inquiète pour l’hiver, témoigne Marianne. Dès que ça va geler, nous n’aurons plus d’eau. Je vais avoir un bébé. Comment voulezvous tenir dans ces conditions ? Il y a des retraités ici, ils ont besoin d’eau, tout comme les animaux que nous entretenon­s », se désole-t-elle. Les délaissés du quartier des Adrets-Cougnas voient pourtant se déverser les millions d’euros dans des travaux titanesque­s entrepris par les collectivi­tés à moins d’un kilomètre à vol d’oiseau, dans la Vésubie toute proche. « Ils rénovent des parkings mais nous, on est trop petits. On ne pèse rien. »

Ils ont écrit au conseil régional, au conseil départemen­tal, ont rencontré Christian Estrosi et Eric Ciotti, présentés par Paul Burro. Leurs courriers sont restés lettre morte. À l’exception du conseil régional. Mais c’était une fin de nonrecevoi­r... Ils sont, pour l’instant, le trou dans la raquette des aides. Interrogé par Nice-Matin, le préfet « Tempête », Xavier Pelletier, dit connaître le dossier. « C’est un sujet très bien identifié qui sera financé par l’État au titre d’une enveloppe exceptionn­elle. C’est un sujet essentiel en termes de résilience d’alimentati­on en eau. La semaine dernière, nous en avons parlé avec le maire de Belvédère. Nous allons financer des travaux pour refaire ces canaux d’irrigation. Ils sont précieux car ils irriguent des cultures et abreuvent les bêtes. Nous ferons un travail plus structuran­t dans les vallées sur la question de l’eau. Il faut mieux la capter, la réguler, l’acheminer. Ce sujet sera pris en considérat­ion. » Des travaux structuran­ts, certes. Mais en attendant ? L’urgence guette, avec l’approche de l’hiver...

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(Photo G. L.)

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