Monaco-Matin

José Garcia Abia à la tête des socialiste­s azuréens

Le Cannettan succède à Xavier Garcia comme secrétaire du PS des Alpes-Maritimes. Son credo : rassembler les sensibilit­és. Un objectif ambitieux pour cet expert-comptable au parcours atypique.

- LIONEL PAOLI lpaoli@nicematin.fr

Derrière les lunettes rondes, le regard clair est rieur. Presque moqueur. Pas trop raccord avec l’âge du capitaine (69 ans), la silhouette austère sanglée dans un costume bleu pétrole et les responsabi­lités politiques qu’il vient d’accepter.

C’est qu’avant de succéder officielle­ment à Xavier Garcia à la tête du PS 06, avant-hier soir, José Garcia Abia a bourlingué. Parfois guidé par son tempéramen­t fantasque. Parfois bousculé par la grande histoire.

« Si je suis ici, c’est la faute de Franco », jure-t-il. Pas Gaston, l’ancien maire de Saint-Martin-Vésubie ; Francisco, le caudillo qui a dirigé l’Espagne d’une main de fer pendant presque quarante ans.

« Trois mois plus tard je parlais français »

En 1960, le petit José a huit ans. Il vit avec ses parents et sa soeur aînée, Manolita, dans la banlieue industriel­le de Barcelone. José est bon élève. « Excellent même », martèlent ses professeur­s : il pourrait « aller très loin ». Mais dans la Catalogne franquiste, l’école publique est dénuée de tout. Pour étudier sérieuseme­nt, il faut aller « chez les curés ou les bonnes soeurs ».

Les Garcia Abia n’en ont pas les moyens. Alors, ils profitent de la première occasion pour quitter le pays et s’installer en France.

« Nous avons atterri à Cannes parce qu’une connaissan­ce de mon père y habitait, précise le sexagénair­e. Je me souviens de notre arrivée, de nuit, dans cette ville où les gens

Au PS depuis trente ans, José Garcia Abia devient « patron » fédéral.

s’exprimaien­t dans une langue que nous ne comprenion­s pas. »

En janvier 1961, le garçon fait sa rentrée des classes. « Trois mois plus tard, je parlais français, souritil. En ce temps-là, on ne regroupait pas les étrangers entre eux. Mélangé aux autres, je me suis fondu dans la masse. Non seulement sans difficulté, mais surtout sans m’en rendre compte. »

« On venait en cours en robe de chambre »

José saute de l’élémentair­e au collège, puis du collège au lycée Carnot. Sans incident notable. «Ah ! si, rigole-t-il, en troisième, comme je n’en fichais pas une rame, j’ai trouvé le moyen de repasser mon BEPC à l’oral. Tout le monde l’avait eu du premier coup à l’écrit. C’était en mai 1968. » Trois ans plus tard, décrocher son bac C n’est qu’une formalité : « J’ai toujours été bon en maths, surtout en calcul mental. »

Ses parents l’inscrivent en prépaHEC au lycée Masséna de Nice.

« Avec quatre copains, on a fait la révolution là-bas. C’était vraiment n’importe quoi ! Pour protester contre les règles, on venait en cours en robe de chambre, on faisait exploser des oranges pourries avec de gros pétards. On a mis un souk pas possible… Évidemment, après ça, je ne suis pas entré à HEC. »

« À la réunion publique, on était deux »

Parallèlem­ent, la politique s’immisce dans son quotidien.

« À Nice, j’ai participé à quelques réunions clandestin­es avec les trotskiste­s. J’y suis resté deux semaines. Ensuite, j’ai adhéré au Parti communiste. Je l’ai quitté au bout d’un an, lorsqu’un copain m’a avoué qu’avant d’exprimer un avis en public, il attendait de lire L’Humanité

pour savoir ce qu’il fallait penser. »

Même s’il a « toujours eu le coeur à gauche », José Garcia Abia ne s’engage de nouveau qu’au début des années quatre-vingt-dix. Dans l’intervalle, mettant à profit son appétence pour les nombres, il est devenu expert-comptable et s’est installé au Cannet-Rocheville.

« J’ai rejoint le PS quand il était au fond du trou, explique-t-il. En 1993, lors d’une réunion publique organisée avant les législativ­es, on s’est retrouvé à deux. On est allé boire un coup au bar d’en face. »

Trois mandats contre Michèle Tabarot

Candidat aux municipale­s de 1995 face à Michèle Tabarot, il n’est pas élu. Mais en 2001, 2008 et 2014, il obtient un strapontin sur les bancs de l’opposition.

« Depuis trente ans, je travaille dans les coulisses pour faire avancer nos idées, résume-t-il en rajustant ses lunettes du bout de l’index. J’ai accepté de succéder à Xavier [Garcia] à la tête de la fédération du PS 06 parce qu’il me l’a demandé, parce que j’ai enfin du temps disponible… et parce que mon épouse m’a donné le feu vert. »

Cette dernière, amusée, fait la moue. « J’ai essayé de le décourager. J’aurais voulu qu’il s’occupe un peu de lui. Mais il est comme ça, José, il pense d’abord aux autres ! Ses deux passions, ce sont les nombres et les gens. »

Des chiffres et des êtres ; mieux qu’une devise, un viatique.

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(Photo Frantz Bouton)

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