Tortues d’Hermann : le Château de Berne lourdement condamné
Pour avoir altéré l’habitat de la tortue d’Hermann, le domaine viticole varois aété condamné à 100 000 euros d’amende et 375 700 euros de préjudice écologique.
Dans la salle du tribunal correctionnel de Draguignan, les avocats assistants à l’audience mensuelle dédiée aux infractions liées aux droits de l’urbanisme et de l’environnement ont soufflé d’étonnement à l’énoncé des sommes auxquelles a été condamné le Château de Berne, situé à Flayosc dans le Var. « C’est un avertissement, souffle l’un d’eux. Sur le droit environnemental, on va se diriger de plus en plus sur des condamnations de ce type, avec de fortes amendes. »
Reconnu coupable d’avoir altéré l’habitat de la tortue d’Hermann en réalisant des travaux non autorisés au sein de la réserve naturelle nationale de la plaine des Maures, le Château de Berne a été condamné à 100 000 euros d’amende. Pour leur part, l’ancien directeur général et le directeur d’exploitation ont été condamnés respectivement à 25 000 euros d’amende. À ce menu déjà salé s’ajoutent surtout 375 700 euros de préjudice écologique.
« Une belle victoire juridique »
Cette somme devra être réglée à la Dreal et sera affectée
(1) à la protection de la tortue d’Hermann. « C’est la première fois que le préjudice environnemental sera versé à l’État et non au parc gestionnaire, se réjouit-on du côté de France Nature Environnement. C’est une belle victoire juridique. »
Les parties civiles (France Nature Environnement Paca et 83, Station d’observation et de protection des tortues et de leurs milieux, LPO Paca) se partageront de leur côté un peu plus de 10 000 euros de la part des deux prévenus personnes physiques. Évidemment, du côté du
Château de Berne, le ton n’est pas le même.
« Nous ne comprenons pas la sévérité de ce délibéré, confie Me Florent Ladouce. Le domaine s’est contenté d’entretenir et de travailler des parcelles de vignes lui appartenant, dans les respects des pratiques vinicoles en vigueur. Son seul tort est de détenir des parcelles de vignes situées dans le périmètre de la réserve naturelle nationale de plaine des Maures. » À l’annonce du jugement, son client a aussitôt fait part de son intention d’interjeter appel.
Cinq hectares défrichés en zone Natura
L’avocat regrette l’application « anormalement zélée de la réglementation de cette réserve par la conservatrice ». « Cette politique a d’ailleurs montré ses limites cet été lors de l’incendie. Aucune exploitation n’a été épargnée par les flammes dans la plaine des Maures. » Chez les viticulteurs, plusieurs voix réclament ainsi un adoucissement des règles de la réserve concernant le travail agricole et le défrichement. En février 2019, après avoir acquis le domaine viticole Le Clos de Maurin, au sein de la réserve nationale de la plaine des Maures, les exploitants du domaine du Château de Berne avaient défriché sans autorisation plus de cinq hectares de milieu naturel. Lors de leurs constatations, les agents de la réserve avaient découvert une tortue morte et une autre agonisante. Un lézard vert occidental était également retrouvé sans vie. « Étant donné la surface altérée, d’autres tortues ont dû périr », avait noté la conservatrice de la réserve naturelle nationale lors de l’audience, le 25 juin dernier. À la barre, l’ancien directeur général du domaine n’avait pas contesté la réalité de ces travaux, mais estimait qu’une demande de dérogation n’était pas nécessaire, « le défrichement ayant eu lieu sur d’anciennes parcelles de vignes ». La zone, en jachère depuis plusieurs années, pouvait donc à ses yeux être réhabilitée d’un point de vue viticole. Le tribunal en a décidé autrement. 1. Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement.