Père Pham : « Depuis Alex, un lien très fort nous unit »
Un an après la tempête, retour sur le témoignage du prêtre de la paroisse Notre-Dame de la Roya, interrogé dans un podcast à réécouter en ligne. Entre souffrance, résilience et espoir.
Il n’était pas dans la Roya cet affreux jour où Alex a déchiré les vallées. Le 2 octobre, il était hospitalisé depuis tout juste une semaine. Mais, dès son retour, il a mis toute son énergie au service de ceux qui en avaient besoin. Il fallait panser “le choc”. Paul-Marie Pham est le prêtre de la paroisse Notre-Dame de la Roya. Depuis cinq ans, il est en charge d’un secteur d’une trentaine de kilomètres, qui va de Libre à Tende. Son français est un peu hésitant – il est Vietnamien – mais son implication pour les habitants de la vallée, est riche et sincère. « On m’a demandé plusieurs fois pourquoi, après tout ça, je ne partais pas d’ici. » Sa mission pourrait bien se poursuivre dans une autre région. Il hausse les épaules. « Je réponds… parce que c’est chez moi. »
Une vie jalonnée de catastrophes
Il en faudrait malheureusement bien davantage pour faire fuir celui qui a grandi au milieu de catastrophes climatiques. « Quand j’étais petit, au Vietnam, j’ai souvent assisté à ça. On ouvrait les fenêtres et on ne voyait plus les champs, plus les bêtes, plus rien. » Forcément, il a vite saisi ce qu’il se passait dans la tête et dans le coeur de ceux qui ont essuyé la pluie, les bourrasques, les coups de tonnerre, les effondrements et autres éboulements. « J’étais loin mais j’ai tout de suite pu imaginer ce qu’ils vivaient. »
Cette distance, imposée par son état de santé, il ne l’a pas très bien vécue. « Les gens demandaient où était le curé. Je n’étais pas là... Il n’y avait pas de messe, de consolation... J’ai eu tellement mal au coeur. » Sa place était auprès de ses fidèles. Dans les deux mois qui ont suivi, il a été contraint de rester un maximum alité mais il a quand même tenu à monter deux fois à Tende par hélicoptère. Donner la messe, dire un mot, serrer une main. Offrir un peu de lui, de sa bienveillance, de son temps. Et dire que rien ne doit s’arrêter là. « Au Vietnam, on fait le deuil et puis on efface. On avance. On s’adapte. On ne regarde plus derrière. C’est fini. »
Des photos et des bougies
On n’est pas égaux face au deuil. On n’a pas tous la même capacité de résilience. Surtout quand tout a été soudainement balayé. Quand même les lieux de recueillement se sont envolés. « Le cimetière a été englouti, les familles avaient besoin d’apaiser ça. C’était très dur. Alors, quand je suis revenu, j’ai demandé qu’ils amènent à l’église les photos de leurs proches disparus et qu’ils les déposent près de l’autel. Nous avons allumé des bougies et fait des prières pour eux. »
Ces moments de paix ont aussi grandement soulagé ceux qui ont continué de s’impliquer pour la paroisse, en l’absence du père Pham, tout en prêtant main-forte à l’ensemble de la population après le drame. Christian Martin, ex-aide-soignant à Tende, est de ceux-là. Il se consacre énormément à l’église de la Roya. Il a pour ambition d’y devenir diacre. Interviewé en même temps que le père Pham, à l’occasion de l’enregistrement du podcast Alex, du groupe Nice-Matin, il est lui aussi revenu sur ces moments terribles d’après intempéries. Solide et formé à intervenir en cas de catastrophe, il a su mettre à profit son sang-froid et son sens du service dès le lendemain du passage de la tempête. « J’ai de la chance, j’encaisse bien les événements. Mais ça a été tellement inattendu et tellement violent… Heureusement, justement, que nous avons la foi. Nous y avons trouvé un refuge ».
« C’est un échange, un partage »
Le message de la communauté, par la voix du père Pham, a été, justement, d’appeler à se rapprocher. À se retrouver. Sans nécessairement chercher à raviver sa foi ou à la développer. C’était bien audelà de la religion. Juste pour être ensemble et faire revivre la vallée. Le prêtre n’a pas attendu pour mobiliser certaines communes pour encourager à l’organisation de festins et autres événements estivaux. « On a besoin que les gens viennent. On a besoin de vie. On a besoin les uns des autres. »
« Il ne faut pas croire… je suis comme tout le monde », souffle-t-il. « Moi aussi, tout ça m’a bouleversé et j’ai eu besoin de mes paroissiens pour passer le cap. Comme ils ont eu besoin de moi pour avancer aussi. Ils prient pour moi, je prie pour eux. Sans berger, il n’y a pas de fidèles, ça ne marche pas… et sans fidèles, pas de berger. C’est comme ça. C’est un échange, un partage. Et un lien très fort nous unit maintenant. »
Retrouvez l’interview croisée de Paul-Marie Pham et Christian Martin, deux hommes de foi aux tempéraments différents mais aux valeurs communes. Pour écouter notre podcast Alex, rendez-vous sur les plateformes Podcasts d’Apple, Spotify ou Deezer.