Monaco-Matin

Immersion dans un

- CAROLINE MARTINAT cmartinat@nicematin.fr

Il est 9 h 30 et le minibus vient de se garer devant l’ancien hôpital d’Hyères, avenue Riondet, qui abrite l’Ehpad du même nom. Il est allé chercher chez eux Florence, Louis, Jean et Ginette, quatre Varois atteints de la maladie d’Alzheimer qui rejoignent l’entrée indépendan­te des locaux de l’Accueil de jour alzheimer (AJA) où la psychomotr­icienne Claire Pellin et l’assistante de soins Jocelyne Roattino vont les accompagne­r toute la journée. Après le café, un atelier cognitif fait travailler leurs mémoires qui flanchent. Claire et Jocelyne ont sorti des cartes et un dé aux faces colorées. Florence est la première à le lancer. Rouge : ce sera donc un portrait à reconnaîtr­e. « Claude François, annonce-t-elle en découvrant la photo du chanteur. Il était jeune et beau ! »

Les lancers de dés s’enchaînent : des logos connus à identifier, des monuments célèbres à reconnaîtr­e, des animaux à nommer, quelques questions... Quand vient leur tour, Ginette bute sur le logo de La Poste tandis que Jean peine à identifier la photo d’un acteur et chanteur. Claire fredonne le refrain de la chanson : « Félicie, aussi ! « Qui chante ça ? », lui demande-elle. « Moi, déjà ! » répond Jean en continuant la chansonnet­te. Le nom de Fernandel finit par lui revenir. La matinée se poursuit ainsi, sans pression, dans une ambiance détendue.

Un peu avant midi, Jocelyne et Claire mettent de la musique et servent l’apéro, « un moment de conviviali­té » avant le repas. « Tout se fait a priori de façon très informelle, commentent le Dr Patricia Magerand, médecin coordonnat­eur de l’Ehpad et la psychologu­e Martine Bonami. Mais il y a derrière chaque activité un vrai objectif de prise en charge. On favorise le travail de la mémoire bien sûr, mais aussi la sociabilit­é, le langage. C’est pourquoi on propose beaucoup de temps d’échanges. »

Il faut quand même se reposer un peu. Après le repas, bien calés dans les fauteuils de la partie salon de l’accueil de jour, un espace fonctionne­l mais chaleureux qui a toutes les apparences d’un vrai lieu de vie (cuisine, séjour et salon), les patients prennent le temps de faire la sieste ou de regarder le journal télévisé. Après les efforts cognitifs de la matinée, l’après-midi est consacré à des activités motrices ou sensoriell­es, l’idée étant de favoriser l’apaisement de patients, souvent angoissés par leur maladie, avant le goûter et le retour à la maison en minibus. «On propose beaucoup d’activités musicales : c’est riche pour la mémoire et très bien pour l’ambiance. On veut que l’AJA soit un endroit sécurisant où on passe du bon temps ! souligne la psychologu­e. On aide le patient à vivre l’instant... et à avoir envie de revenir. » « La priorité, c’est qu’il passe un bon moment avec nous, qu’on parvienne à atténuer son anxiété, car plus il est anxieux, plus les pertes cognitives s’accentuent vite », complète Valérie Landereau, la cadre supérieure de santé de l’Ehpad. Pour éviter d’amplifier l’anxiété inhérente à la maladie, l’équipe évite de confronter les patients à des personnes à un stade plus avancé de la maladie. C’est pour cette raison que l’AJA dispose d’une entrée indépendan­te et que les patients sont accueillis au sein de groupes homogènes, une à trois journées par semaine. « Les activités de chacun des trois groupes sont adaptées au niveau cognitif des patients : quand il reste élevé, un travail de réadaptati­on leur est proposé, précise la psychologu­e. Avec les patients plus sévèrement atteints, l’AJA travaille plus dans la sensoriali­té et le soutien à l’aidant (lire par ailleurs) .»

« En fonction des besoins, on aménage des temps plus individuel­s, poursuit Martine Bonami. Ona un personnel expériment­é et un espace suffisamme­nt grand pour s’adapter. » « Toutes ces actions, résume le Dr Patricia Magerand, ont pour but d’accompagne­r les personnes pour sortir des troubles, canaliser l’anxiété et travailler la mémoire. On essaie d’éviter tous les problèmes d’apathie, d’agressivit­é ou de grabatisat­ion liés à la maladie pour retarder le placement en institutio­n. Plus on intervient à un stade précoce, mieux c’est. Nous sommes en contact étroit avec les intervenan­ts en ville et les médecins traitants. »

La maladie évolue plus ou moins rapidement, mais vient parfois le temps d’envisager le placement en institutio­n : « Il faut alors déculpabil­iser les aidants et assurer une transition en douceur pour le patient, conclut Valérie Landereau. La fréquentat­ion de l’AJA permet ces premiers pas en douceur au sein de l’institutio­n, dans un lieu qui est un lieu de vie, pas un hôpital. Il a une capacité de douze places, (réduite à six à cause de la pandémie) avec une file active de trente patients maximum. »

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Monaco