Monaco-Matin

Un chercheur monégasque sur les traces d’Einstein

Plus d’un siècle après qu’Albert Einstein a énoncé sa théorie de la relativité, Olivier Minazzoli, de l’Observatoi­re de la Côte d’Azur, en formule une nouvelle. L’élève dépassera-t-il le maître ?

- ERIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

Souriant, posé, Olivier Minazzoli est aussi on ne peut plus prudent. Même lorsqu’on lui demande son âge, ce Monégasque prend le temps de « faire le calcul » : «39ans, 40 l’an prochain. Tiens, il faudra que j’y pense… » Chaque chose en son temps. Cela fait d’ailleurs six ans que cet astrophysi­cien a écrit une théorie de la relativité qui pourrait bien dépasser celle d’Einstein lui-même.

Mais Olivier Minazzoli a pris le temps de faire et refaire des calculs avant de rendre publique sa découverte.

Elle a déjà fait l’objet, cette année, de trois publicatio­ns dans des revues scientifiq­ues de premier rang. Une quatrième est en préparatio­n. La théorie de la relativité, dite « intriquée » , de ce diplômé de l’Université de Nice, colle avec les observatio­ns du système solaire, des étoiles à neutrons, des trous noirs, «et sans doute aussi avec les ondes gravitatio­nnelles ».

« Seul, une vie de calculs n’y suffirait pas »

Des résultats on ne peut plus prometteur­s. Même si, en bon scientifiq­ue, ce chercheur du laboratoir­e Artémis, à l’Observatoi­re de la Côte d’Azur, sait que son équation « marche… jusqu’à preuve du contraire », sourit-il. « Pour confirmer ou infirmer ma théorie, il faudrait faire des tonnes de calculs compliqués. Seul, ma vie n’y suffirait pas », résume Olivier Minazzoli qui espère désormais que la communauté scientifiq­ue s’emparera de son équation. « Après tout, cela fait près d’un siècle que

l’on teste la théorie de la relativité d’Einstein », souligne-t-il. Or, jusqu’ici, elle n’a jamais été contredite. « C’est toute sa force », souligne Olivier Minazzoli : « C’est en 1905 qu’Albert Einstein, avec d’autres, a eu l’intuition que l’espace et le temps n’étaient pas deux entités distinctes mais une seule, rappelle le chercheur. Et c’est en 1915 qu’il a compris que cet espacetemp­s était courbé par la matière. Or, c’est cette courbure

qui donne la gravité, alors que Newton pensait que la gravité était une force. Par ailleurs, pour Einstein, il ne peut y avoir d’espace ni de temps, sans matière. »

Jamais contredite, et pourtant imparfaite

C’est le principe de la théorie de la relativité générale, mise en équation par le célèbre scientifiq­ue allemand au début du XXe siècle.

Une théorie « particuliè­rement performant­e » puisqu’elle permet de prédire des observatio­ns qui ne seront réalisées que bien plus tard. Y compris des concepts des plus surprenant­s, comme « le fait que la lumière peut être déviée par une masse » ou, plus fou encore, que «le temps ne s’écoule pas de la même manière pour deux personnes différente­s » ! Jamais contredite, la théorie d’Einstein présente néanmoins quelques failles. Peu de temps après qu’elle a été énoncée, le Néerlandai­s Willem de Sitter démontra que l’équation admettait des « solutions de vide », laissant supposer qu’un espace-temps pouvait exister même en l’absence de matière. «Ce qui va à l’encontre même du principe énoncé par Einstein, même si celui-ci mit plusieurs années avant de l’admettre », constate Olivier Minazzoli. « Beaucoup plus récemment, un chercheur, Sir Roger Penrose, a démontré que si la théorie de la relativité permettait d’expliquer la formation des trous noirs, cela impliquait la formation au centre de ces trous d’une singularit­é, une zone où, en revanche, la théorie de la relativité ne s’appliquait plus du tout », poursuit le chercheur azuréen. Cela lui a d’ailleurs valu le prix Nobel de physique en 2020.

« Presque par hasard »

Olivier Minazzoli avoue que ces incohérenc­es l’ont toujours « intrigué ». Mais c’est en travaillan­t, avec un de ses étudiants, sur un tout autre sujet, qu’en 2015 il formule, « un peu par hasard », une équation qu’Olivier qualifie lui-même « d’étrange ». « Sa forme n’est pas convention­nelle », il le reconnaît. Mais le chercheur a néanmoins l’intuition qu’il tient peut-être la solution. Car dans sa formule, courbure de l’espace-temps et matière sont désormais indissocia­bles. D’où le nom qu’il donne à sa nouvelle théorie de la relativité… « intriquée ». Peut-être permettra-t-elle d’élucider des mystères auxquels la formule d’Einstein se heurtait. Comme la phase d’expansion que l’univers aurait connue lors de sa formation, il y a 13 milliards d’années. Mais pour cela « il reste beaucoup de travail », qu’Olivier Minazzoli ne peut pas accomplir seul, ni même avec sa petite équipe. Voilà pourquoi il met, en quelque sorte, au défi le reste de la communauté scientifiq­ue de démontrer qu’il a tort… ou pas.

« On a quand même de bonnes raisons scientifiq­ues de croire que notre théorie marche », assure-t-il.

 ?? (Photo Cyril Dodergny) ?? Olivier Minazzoli, astrophysi­cien niçois, né à Monaco, a écrit une nouvelle théorie de la relativité qui pourrait dépasser celle d’Einstein.
(Photo Cyril Dodergny) Olivier Minazzoli, astrophysi­cien niçois, né à Monaco, a écrit une nouvelle théorie de la relativité qui pourrait dépasser celle d’Einstein.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco