Monaco-Matin

Un homme en colère pour notre dernière rencontre

Le 22 juin dernier, malgré la maladie, il avait tenu à prendre la parole pour dénoncer les dangers de l’arrivée de l’extrême droite à la tête de la Région. Il nous avait reçu dans un hôtel parisien.

- DENIS CARREAUX dcarreaux@nicematin.fr

I «l y a deux choses pour lesquelles je me bats : mes idées et mon cancer. Et si vous saviez ce que je lui mets dans la tronche à celui-là. Il est mal tombé ! ». Calé dans un canapé Chesterfie­ld, Bernard Tapie commence à retrouver des couleurs au fur et à mesure qu’il nous parle. Blème en dépit d’une épaisse couche de maquillage, le patron de La Provence reçoit une poignée de journalist­es dans un salon de l’hôtel Lutetia, à Paris. Maigre, le visage émacié, il flotte dans son pull noir, mais n’a rien perdu de sa prestance. Nous sommes à cinq jours du second tour des élections régionales en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Thierry Mariani talonne Renaud Muselier dans les sondages, et Bernard Tapie ne supporte pas l’idée d’une victoire de l’extrême droite. Il tient à prendre la parole pour dénoncer le risque que ferait courir l’arrivée du candidat du Rassemblem­ent national à la tête de la Région. « C’est l’avenir d’une des plus belles régions du monde qui est en jeu, s’agace-t-il. Mon coeur bat à chaque instant ici, où j’ai tous mes enfants. »

«Jenesuispa­s né pour rien »

Le contraste entre son apparence, si fragile, et son discours, toujours aussi tonique, est saisissant. D’un filet de voix, yeux noirs et mâchoires crispée, Tapie hurle sa colère. Avant la fin de l’interview, alors que la fatigue commence à reprendre le dessus, il revient sur sa carrière. Sur sa vie. « J’ai l’impression que je ne suis pas né pour rien. Quand je vais dans la rue, je me dis que j’ai bien fait d’être là. » Arrive une dernière question. Délicate : « Qu’estce que vous voudriez qu’on retienne de vous ? » La réponse fuse. « Rien. Je m’en fous. Quand je mourrai, je serai encore là. Et croyez-moi, je vais vous regarder ! » Ces derniers mots nous glacent. Nous savons que cette rencontre sera sûrement la dernière.

Entre les deux tours des régionales, Bernard Tapie avait reçu une poignée de journalist­es pour dénoncer le danger d’une victoire de l’extrême droite à la tête de la région.

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(Photo D. Cx.)

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