Comment le village a cru vivre un bombardement
Premier à prendre la parole pour les allocutions clôturant la cérémonie, le maire de Breil, Sébastien Olharan, a livré un témoignage poignant. Au point de perdre, parfois, la clarté de sa voix.
« Il y a des événements qui marquent plusieurs générations, qui représentent un point de rupture, qui installent la conviction qu’il y avait un avant et qu’il y a un après », introduit-il, conscient que les 2 et 3 octobre 2020 sont de ceux-là. « Comment oublier les instants où tout a basculé ? Il suffit d’une image, d’une évocation, d’un bruit pour que rejaillissent les souvenirs », lâche le jeune élu. Optant pour une énumération à la Perec : je me souviens… Le message annonçant l’alerte météo, la salle du conseil transformée en cellule de crise, la question que tout le monde s’est posée – peut-être estce une vigilance pour rien –, la sirène retentissant à 11 h 30 pour inciter les gens à rester chez eux, les rafales de vent, les toitures emportées, la voix d’un sapeur-pompier lui intimant de porter un casque ou de se glisser dans une voiture face au danger, les premières évacuations, la création d’un centre d’hébergement d’urgence, la commune plongée dans le noir, les certitudes brisées. Les sales nouvelles qui tombent, aussi : un sauvetage en cours au Gavas, une voiture avec des gens à bord qui se serait engouffrée dans le barrage, un couple au sud du village emporté avec sa maison.
Puis la rupture des connexions avec le reste du monde, la place Biancheri couverte d’une montagne de boue, l’angoisse, la peur, « les sourires crispés se voulant rassurants » .Et, aux premières lueurs du jour, la vue d’habitants disséminés, l’air hagard, des amas de pierres, de déchets et d’épaves, la confirmation que trois Breillois – David Ravnholt, Louis et Anne-Marie Sabatini – ont péri. Le sentiment d’avoir essuyé un bombardement. Mais aussi une immense solidarité, la « chance de pouvoir compter sur une population patiente, compréhensive, responsable ». Et une certitude : c’est en restant « unis et debout » que Breil et la Roya se relèveront pour de bon.