Pourquoi l’industrie AZURÉENNE DEVRAIT SE RAPPROCHER DE L’ITALIE
Grand-messe de l’industrie azuréenne, Industria Méditerranée est l’occasion pour la filière de se rassembler, échanger et avoir accès à de nouvelles opportunités commerciales. De l’autre côté des Alpes ?
Depuis dix-neuf ans, Industria Méditerranée rassemble les entreprises industrielles de la Côte d’Azur afin de promouvoir et partager les bonnes pratiques, mettre en avant leur savoir-faire et leur donner accès de nouvelles opportunités commerciales. Cette nouvelle édition qui se tiendra jeudi 7 et vendredi 8 octobre à Nice ne déroge pas à la règle. Elle sera aussi l’occasion d’élargir le champ d’action de l’industrie azuréenne. Plus précisément au-delà des frontières du département pour réfléchir à une éventuelle alliance des territoires transalpins, thématique de l’une des tables rondes d’Industria Méditerranée. Quel intérêt ? Les réponses de Daniel Sfecci, président de l’Union des Industries et Métiers de la Métallurgie des AlpesMaritimes (UIMM06) dont le mandat s’achève en décembre et également candidat à la présidence de la chambre de commerce et d’industrie Nice Côte d’Azur (lire par ailleurs).
Les Italiens sont-ils de gros industriels ?
Ce sont des machines de guerre. Ils sont en phase avec les Allemands et ont des années d’avance sur nous. Ils sont un exemple et un modèle de progression dont nous devons nous inspirer. C’est le nord de l’Italie qui fait vivre tout le pays : les gros faiseurs et marchés sont entre Milan et Bologne et la maind’oeuvre est dans le Piémont.
Cette proximité est une opportunité pour nous de nouer des conventions.
Pourquoi une telle différence entre eux et nous ?
Elle s’explique par trente années de désindustrialisation. Le gouvernement actuel a remis l’industrie au coeur du débat mais on part avec presque neuf ans de retard d’investissement. Maintenant qu’on a le plan France Relance, il faut se structurer pour être dans la course européenne en s’inspirant de ceux qui étaient derrière nous et qui nous ont dépassés.
Quel intérêt de développer des synergies avec l’Italie ?
Il n’y a pas que l’industrie qui est concernée : il y a aussi l’ameublement, l’automobile, le bâtiment… On peut travailler à des accords plutôt que subir. Il faut donc oeuvrer à un rapprochement régional. À l’instar de la Grande Région [espace de coopération regroupant des territoires allemands, belges et français et le Luxembourg, ndlr] qui a une force de frappe énorme avec des échanges croisés et qui collabore dans un esprit européen. Le Grand Sud-Ouest a su se relier à l’Espagne et ça a été pour la région une bouffée d’oxygène extraordinaire. Qui manque à l’appel ? Nous. Nous n’avons pas de relations économiques directes avec l’Italie. On pourrait réfléchir à une collaboration avec Nice, Turin et Milan et constituer un triangle économique, source d’affaires. Cela suppose de grands travaux car il faut des liaisons dignes du XXIe siècle avec une mobilité adéquate. C’est un sujet de fond. On y a à gagner d’un point de vue industriel et régional.
Comment cela pourrait-il se concrétiser ?
L’industrie azuréenne souffre du manque de foncier et elle pourrait utiliser les terrains à la sortie de Vintimille qui appartiennent à Trenitalia [la
SNCF italienne, ndlr]. Avant la fermeture des frontières en raison de la Covid, la chambre de commerce et d’industrie Nice Côte d’Azur avait abordé le sujet avec la Ligurie. Faire un Carros-Vintmille est moins pénalisant qu’un CarrosMarseille ou Carros-Aix.
Comment plaire aux Italiens ?
On leur plaît déjà : de par notre offre touristique. La Côte d’Azur, ça leur parle. Mais il faut avoir une vision plus large. Si on veut que l’Europe soit une force de frappe reconnue et efficiente dans le monde, les pays n’y arriveront pas seuls. Il faut jouer l’unité européenne. À nous de profiter du plan France Relance pour devenir attractifs d’un point de vue géopolitique, en créant des alliances stratégiques pour être plus forts ensemble.
Comment rendre les industriels régionaux intéressants aux yeux des Italiens ?
Les initiateurs sont rarement les puissants qui, eux, avancent ou se mettent en situation de protectionnisme. Ce qu’on peut amener à nos voisins, c’est une vision à moyen et long terme plus intéressante que s’ils restaient seuls ou si la France se mettait en position de challenger avec, pour unique motivation, de rattraper nos voisins transalpins. Nous devons être lobbyistes pour que les grandes stratégies industrielles se fassent avec l’Italie et/ou la France plutôt qu’avec la Pologne, Roumanie et autre. Il faut construire aujourd’hui l’industrie de demain. On a de bonnes relations avec les Italiens et je bâtis beaucoup d’espoir pour créer des échanges économiques de bon aloi.
Comment porter cette idée auprès des dirigeants azuréens qui ont d’autres chats à fouetter ?
C’est vrai, ils ont des échéances à rembourser et veulent savoir comment les traiter au quotidien. Mais à l’UIMM et Ati-CA (Alliance
des Techs & Industries de la Côte d’Azur), on a le devoir d’avoir une vision à plus long terme de notre filière. Instillons à doses homéopathiques une stratégie industrielle locale, voire régionale. Abordons les sujets qui sont nombreux, étape par étape, regardons ceux qui sont les plus prégnants comme la formation pour en faire des axes stratégiques et une opportunité de développement. Prenons l’exemple du Campus Sud des Métiers qui est unique. Même si les Italiens ont une université collée à leur industrie depuis des années, ils n’ont pas un campus avec cette volonté de travailler dans l’apprentissage à vocation futuriste.
« Les Italiens ont des années d’avance sur nous. »