Monaco-Matin

Félizia : « Cette nuit où Bernard Tapie m’a appelé »

Le leader varois du Rassemblem­ent écologique et social raconte comment Tapie l’a encouragé à jeter l’éponge, au lendemain du premier tour des régionales.

- LIONEL PAOLI lpaoli@nicematin.fr

Cette histoire-là, depuis dimanche, JeanLauren­t Félizia l’a racontée à plusieurs reprises. Et à chaque fois, l'émotion est venue le cueillir au milieu d'une phrase. Il replonge dans la nuit du 20 au 21 juin 2021. La plus longue de sa vie. Sa liste – le Rassemblem­ent écologique et social – vient d’obtenir 16,9 % des suffrages au premier tour des régionales. Il est loin derrière le RN (36,4 %) et LR (31,9 %), mais tout de même qualifié pour le second tour.

« Le RN, pour lui, c’était toujours leFN»

À 22 heures, Félizia décide de jouer la partie. Il veut que la gauche soit représenté­e dans l'hémicycle. « Aussitôt, les étatsmajor­s parisiens me sont tombés dessus, sourit-il. Une vraie déferlante. Pour y échapper, j'ai mis mon portable en mode avion. Mais il y avait tellement d'appels que l'avion a failli s'écraser ! » Lorsqu'il se reconnecte, les messages tintent par centaines. Parmi eux, quinze appels, passés entre minuit et quatre heures du matin, d'une voix qui répète en boucle : « Rappelez-moi. Il faut qu’on discute de votre position. » « C’était Bernard Tapie, souffle le leader écologiste. Nous n’avions jamais été en contact, je n'avais pas son numéro, mais impossible de se tromper. »

Après une quasi-nuit blanche, Jean-Laurent Félizia rappelle l'ancien ministre de François Mitterrand. «Il était vif, alerte, franchemen­t sympa. Il m'a vouvoyé pendant un quart d'heure, puis il est passé au tutoiement. Il m'a raconté son combat contre la famille Le Pen. Et m'a expliqué pourquoi je devrais me retirer. »

Ses mots résonnent encore dans l’oreille du Lavandoura­in : « Il m’a dit que si je permettais l’élection du Rassemblem­ent national, je porterais ça toute ma vie. Le RN, pour lui, c'était toujours le FN – « un parti de fachos ». Il avait un vrai mépris pour Thierry Mariani, l’homme qui fricotait avec Bachar el-Assad et Vladimir Poutine. »

« Arbitrage intérieur »

« Nous avons discuté pendant près d’une heure , affirme le Varois. À la fin, il m’a donné trois conseils. Ne jamais sombrer dans la médiocrité. Ne jamais jouer petit bras. Ne jamais botter en touche, toujours aller au poteau de corner et centrer en retrait. »

En raccrochan­t, le candidat, qui est aussi un fervent supporter de l'OM, est ému. « Je ne pensais pas que Tapie, dans l’état où il était, puisse être à ce point préoccupé par le destin de sa région d'adoption. Il était lucide, clairvoyan­t. Vivant quoi ! »

Ce n'est pourtant pas cette conversati­on qui le décide, quelques heures plus tard, à jeter l'éponge. «Ni les pressions du monde politique, insiste-t-il. Ce qui a fait pencher la balance, c’est l’absence d’unanimité au sein de mon équipe. Il y avait trop d'avis discordant­s. J'ai compris que la décision était mienne et que je devais l’assumer. » Pour autant, Jean-Laurent Félizia n'exclut pas que les paroles de Tapie aient pu jouer un rôle dans « cette espèce d'arbitrage intérieur qui s'est mis en oeuvre. » Avec une certitude : «Cet échange avec cet hommelà, je ne l’oublierai jamais. »

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(Photo AFP) « Bernard Tapie était lucide, clairvoyan­t. Vivant quoi ! » affirme Jean-Laurent Félizia.

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