Crise politique entre Paris et Alger
L’Algérie a interdit dimanche le survol de son territoire aux avions militaires français, qui empruntent d’habitude son espace aérien pour rejoindre ou quitter la bande sahélo-saharienne où sont déployées les troupes de l’opération antijihadiste Barkhane. Cette décision intervient dans un contexte de tensions entre Paris et Alger, qui a annoncé samedi le « rappel immédiat pour consultation » de son ambassadeur à Paris, en réaction à des propos relayés par le journal Le Monde où M. Macron affirme que l’Algérie, après son indépendance en 1962, s’est construite sur « une rente mémorielle », entretenue par « le système politico-militaire » et questionne l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation française.
Ambiance électrique à Alger
Kader Abderrahim, directeur de recherche à l’institut IPSE à Paris, a cependant minimisé l’ampleur de la crise. « C’est un vieux couple qui ne peut plus vivre ensemble mais qui sait qu’il ne peut pas se séparer », dit-il, en soulignant à quel point les intérêts sont entremêlés. À Alger, l’ambiance est électrique. Le quotidien L’Expression, proche du pouvoir, a estimé que M. Macron s’est laissé aller à « une digression impardonnable, qui n’a jamais été commise par aucun président français ».
Hassen Kacimi, un expert algérien des questions migratoires, juge que M. Macron a surtout un objectif électoraliste à l’approche de la présidentielle d’avril 2022. « Les politiques en France sont en pleine campagne, Macron aussi », a-t-il dit, en estimant qu’en France, « l’ambiance est dominée par un discours d’extrême droite ».
« L’Algérie a toujours été traitée de haut »
En outre, a-t-il estimé, « les relations entre la France et l’Algérie ne sont jamais sorties du prisme raciste colon/colonisé où l’Algérie a toujours été traitée de haut, de manière méprisante ».
Pour Kader Abderrahim, au contraire, « les paroles du président Macron sont frappées au coin du bon sens ». « Il était temps de dire les choses sur la rente mémorielle, la nature du régime politique, il a dit tout haut ce que les Algériens ne cessent de répéter depuis des années maintenant, notamment avec le Hirak », le mouvement pro-démocratie né en février 2019.
Pour l’expert, M. Macron fait aussi le constat que « la nature du régime n’a pas changé ». Après avoir soutenu son homologue Abdelmadjid Tebboune lors de son élection en 2019 il a « dû accepter qu’aujourd’hui Tebboune est seul, isolé ». La réaction d’Alger correspond surtout à « une nouvelle tentative du régime » de « jouer sur la fibre nationaliste », selon le spécialiste.