Un regard bienveillant sur La vallée avalée par Alex
Le photographe Marc Pollini a suivi les traces de la tempête qui a englouti l’arrière-pays, dont la Vésubie. Un livre et une exposition expriment son émotion sur ce paysage transformé.
C’est esthétique, poétique, doux, silencieux, feutré, parfois saupoudré de neige. Dans l’oeil et dans l’objectif de Marc Pollini, le monde après Alex est presque beau et reposant. Pourtant il y a eu l’horreur, le déchirement, la violence, le fracas, les eaux meurtrières…
La vallée avalée - la Vésubie - Sur les traces de la tempête Alex. Des photos. Réunies dans un livre, édité chez De l’Air (1). Magnifiées par une exposition à découvrir à l’Espace culturel Lympia (2). Pour un travail de mémoire à partager.
De l’harmonieux malgré l’anarchie ? L’artiste l’explique : « Ce que j’ai ressenti, c’est que, malgré le chaos orchestré par Alex, la nature est restée belle. On y trouve un équilibre. La tempête a reconfiguré le paysage. » Et c’est cette cohésion improbable que ce Corse établi à Nice a exprimée avec la complicité de l’éditeur de l’ouvrage, Stéphane Brasca, et avec le soutien du conseil départemental des Alpes-Maritimes. Comment, après cette tempête hors-norme, Marc Pollini a restitué un portrait paradoxalement gracieux d’une montagne défigurée ? Tout est parti de la plage à Nice, Saint-Laurent-duVar…. Touchée elle aussi les jours suivant par le cataclysme. « Je suis allé sur la Promenade des Anglais. J’ai commencé à photographier les branches empilées, enchevêtrées, aux allures de natures mortes. »
Cohésion improbable
Du littoral au lit de la rivière, il décide de s’investir davantage. De cheminer en sautant de pierre en pierre et en remontant la Vésubie via les routes et les ponts qui n’étaient que gravats. Sur les traces de la tempête. De ses stigmates. Pourquoi la Vésubie ? « Parce que je la connais pour y être allé en balade. La Roya m’était moins accessible. Je suis monté régulièrement à Saint-Martin-Vésubie, Roquebillière… Même pendant le confinement. J’ai expliqué ma démarche aux habitants qui l’ont comprise. »
Dix mois de travail, de prises de vues à travers les pneus déchiquetés, les arbres mutilés, les vêtements lacérés, les jouets brisés, les bois écorcés par les rochers, les reliefs de vies, atomisés, répartis en milliers de confettis, tels une étrange mosaïque désormais atone.
« Je n’ai pas triché. Tout ce qui est photographié l’a été tel que je l’ai trouvé. » Mais il y a la sensibilité de l’homme. Et la technique du professionnel. Les cadrages sont exceptionnels et les tristes souvenirs superbement exprimés. « Le regard est bienveillant, mais il fallait aussi témoigner », argumente Stéphane Brasca. Témoigner pudiquement. Sans voyeurisme. En couleurs pour ne pas dramatiser davantage à travers le prisme du noir et blanc. Avec espérance aussi : au lieu-dit Les Clos, un arbre déraciné, en suspens, a fait l’objet d’un remblaiement. La truite fario vagabonde est retournée dans les eaux vertes de la Vésubie…
1. Le livre est vendu 32 euros en librairie et sur le site www.delair.fr
2. Organisée par le Département des Alpes-Maritimes en hommage aux victimes d’Alex, l’exposition aura lieu jusqu’au 2 janvier 2022 à l’Espace culturel Lympia, 2, quai Entrecasteaux, au port de Nice. Ouvert du mercredi au dimanche, de 10 h à 17 h. Entrée libre.