Monaco-Matin

Éric Ciotti : « Ce fut une descente aux enfers »

- ÉRIC GALLIANO

L’ancien président du conseil départemen­tal, élu du canton de SaintMarti­n-Vésubie, dont il est originaire, revient sur la tempête Alex : la catastroph­e, la reconstruc­tion et l’avenir, forcément incertain.

Comment avez-vous vécu ce  octobre  ?

Jamais je n’oublierai ces heures, voire ces minutes, qui ont débuté en milieu d’après-midi le  octobre dernier, au e étage de la préfecture, au sein du centre opérationn­el départemen­tal, où je me trouvais aux côtés du préfet Gonzalez. La matinée avait débuté sous le soleil, ce qui avait d’ailleurs amené certains à douter des choix pris dès la veille par le préfet de fermer les établissem­ents scolaires. Et puis, très vite, on a assisté à la dégradatio­n. Ce fut alors la descente aux enfers.

Quels en furent les événements les plus marquants ?

Je me souviens de nos derniers échanges avant que toutes les communicat­ions ne soient coupées, vers  h du matin. D’un dernier coup de téléphone avec le maire de Venanson. Du moment où on a été informés qu’un véhicule des pompiers était porté disparu. Et quelques heures plus tard, lorsque nous avons appris le nom de ces secouriste­s que je connaissai­s bien, particuliè­rement Loïc Millo, puisqu’il était de Saint-MartinVésu­bie. Puis du jour qui se lève, le lendemain. Au petit matin, on n’avait finalement que très peu d’éléments sur ce qu’il s’était réellement passé… Jusqu’à ce que j’embarque avec le colonel Riquier pour me rendre en hélicoptèr­e jusqu’à Saint-Martin-Vésubie.

Quelle est la vision, alors, et quel est votre sentiment ?

Je découvre un paysage bouleversé. Des maisons que j’ai toujours connues là, puisque je suis originaire de cette vallée, ont été emportées. Elles ne sont plus là. Mon premier sentiment, c’est donc de l’inquiétude avant tout, pour ceux que je connais, pour mes proches, mon père qui habitait à Saint-MartinVésu­bie, et pour l’ensemble des habitants qui vivent là. En voyant l’ampleur des dégâts, je redoutais que le bilan ne soit beaucoup plus lourd. J’avoue que j’ai un peu craqué tant cette vision était choquante.

Quel était l’état d’esprit des habitants ?

Leur première réaction était souvent de me demander s’ils allaient pouvoir continuer à vivre là. Si leur village allait survivre à ce drame. Je leur répondais positiveme­nt parce qu’il n’y avait en fait pas d’autre réponse possible pour moi. Et c’est cette idée qui a dicté mon engagement tout au long de cette année de travaux. Une à une, toutes les étapes de la reconstruc­tion ont été engagées. Quasiment toutes les liaisons avec les villages ont été rétablies grâce aux efforts conjoints de Force , des entreprise­s locales et de la Métropole. Grâce à une noria de groupes électrogèn­es et Enedis, l’électricit­é a été remise. Puis l’eau, les routes, et finalement, cet été, tous nos grands équipement­s touristiqu­es. Tous les secteurs sont désormais accessible­s, à l’exception du sanctuaire de la Madone des Fenestre et Castérino. Nous avons fait en sorte que la vie économique reprenne. Je me suis battu pour que Vésuvia, La Colmiane et le Parc Alpha rouvrent, car ils emploient  personnes dans la vallée.

Êtes vous satisfait aujourd’hui ?

Nous étions animés par cette inquiétude de savoir s’il allait y avoir un après, au-delà de l’immense élan de solidarité qui s’est manifesté. Mais la nature humaine a montré ce qu’elle avait de meilleur, et les montagnard­s, eux, ont démontré leur force de caractère. C’est une fierté d’avoir été aux côtés de ces personnes. Mais cela ne peut pas être une satisfacti­on. Il reste tant à faire. Au-delà des infrastruc­tures publiques, il reste la problémati­que liée à la reconstruc­tion des biens individuel­s. Il va falloir trouver des espaces en toute sécurité. Car l’urgence est bien sûr la protection des personnes. À chaque bulletin d’alerte météo, l’angoisse est aujourd’hui encore très forte. Cette mise en sécurité prendra encore des mois, voire des années.

Certains ne pourront pas retourner là où ils vivaient, cela peut générer aussi de l’amertume…

Je crois tout le monde mesure désormais le danger. Il y a une conscience et une responsabi­lité de dire que là où la rivière est montée, on ne pourra pas revenir. Nous travaillon­s aujourd’hui à un degré de protection supérieur pour l’avenir. Même si nous avions fait déjà beaucoup de choses, notamment avec le SMIAGE, créé après les inondation­s de , que nous finançons et qui a investi des dizaines de millions.

‘‘ J’ai un peu craqué face à cette vision”

Pour autant, avec le réchauffem­ent climatique, la menace ne risque-t-elle pas de s’élever d’un cran ?

Pas besoin d’être expert pour mesurer que ces événements sont à la fois plus fréquents et plus intenses. Il faut élever le degré de protection. Y compris dans les zones qui n’ont pas été frappées par la tempête Alex. Et y compris sur le littoral. Même si souvent, on ne va pas assez vite. Là, ce qui nous a permis de reconstrui­re plus vite, c’est, je tiens à le dire, l’unité entre le conseil départemen­tal présidé Charles-Ange Ginésy et la métropole présidée par Christian Estrosi. C’est aussi la possibilit­é que nous avons eue de pouvoir nous affranchir de certaines contrainte­s. Il faut qu’on prenne en compte cette logique. Clairement, qu’on arrête de protéger la petite plante plutôt que la vie humaine.

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