Monaco-Matin

Violences conjugales : comment gagner la bataille ?

Magistrats, forces de l’ordre, assistante­s sociales, médecins… ont confronté leurs expérience­s lors d’un colloque à Avec un seul but : mieux protéger les femmes en danger.

- CH. P. chperrin@nicematin.fr

l ya trois délits qui occupent l’essentiel des audiences correction­nelles à Nice », confie un magistrat expériment­é : « Les passeurs de migrants, les stupéfiant­s et… les violences conjugales. » Pas une journée sans qu’une affaire de « VIF » (Violences intrafamil­iales) ne soit signalée au parquet de Nice ou de Grasse.

Cent vingt décès chaque année

Chaque année, 120 femmes meurent sous les coups de leurs maris ou conjoints, chiffre qui a du mal à diminuer. Il y en a eu jusqu’à treize en 2015 dans les Alpes-Maritimes. Et pourtant, la justice se montre tout à la fois ferme et vigilante et les forces de l’ordre se sont améliorées dans l’accueil des victimes. Les auteurs sont désormais systématiq­uement déférés au tribunal. La notion de « violences et danger vraisembla­bles », suffit aujourd’hui à un juge aux affaires familiales pour prendre une ordonnance de protection et faire expulser du logement le conjoint dangereux. Le Comité départemen­tal d’accès au droit (CDAD), présidé par Marc JeanTalon, le président du tribunal judiciaire de Nice, a organisé jeudi un colloque sur ce thème. «Le but est de dresser un état des lieux et de partager les bonnes pratiques pour gagner la bataille contre

Une femme sur dix est concernée par les violences intrafamil­iales en Europe.

ce fléau », a souligné Xavier Bonhomme, procureur de la République, vice-président du CDAD. Morceaux choisis des interventi­ons qui ont précédé des tables rondes consacrées à la prise en charge des victimes, des enfants témoins de violences et des auteurs.

L’essentiel partage d’informatio­n

> Isabelle Rome, chargée de l’égalité femmes-hommes au ministère de la Justice : « Les violences au sein du couple ne sont plus considérée­s comme une affaire privée. Il y a eu une reconnaiss­ance du phénomène de l’emprise : un agresseur enferme l’autre sous sa domination, l’isole, la dévalorise, la menace. Des violences psychologi­ques puis physiques… ce qui explique ces dépôts de plainte suivis de retraits de plainte. Ces hésitation­s font partie de ce processus. Quand les victimes ont parlé, il ne faut plus les lâcher et les accompagne­r. [...] Nous avons en la matière une obligation de résultats. Pour réussir, le partage d’informatio­ns reste essentiel. »

Deux « innovation­s majeures »

> Marie-Suzanne Le Quéau, procureure générale de la cour d’appel d’Aix-en-Provence : «Lafamille fut longtemps une cellule close, affranchie du regard de l’État. La préoccupat­ion était de préserver les liens du mariage et cela prévalait sur la sécurité des personnes. La loi fondatrice date de 2006 et l’arsenal n’a cessé de se renforcer notamment depuis 2019. Pour moi, il y a eu deux innovation­s majeures : le délit de violences psychologi­ques et le délit de harcèlemen­t moral. Le bilan reste mitigé sur la cour d’appel avec des procédures de violences intrafamil­iales en constante augmentati­on : 9 948 au 31 août. »

Téléphone « grave danger » et bracelet

chef du service de l’accès au droit, à la justice et de l’aide aux victimes (SADJAV) : « Nous avons 2 000 points justice qui garantisse­nt un bon maillage du territoire. 311 000 victimes ont été accueillie­s dans les bureaux d’aide aux victimes dans les TJ. 77 % sont des femmes. 38 % victimes de violences intrafamil­iales. Deux outils sont essentiels : les téléphones grave danger et les bracelets anti-rapprochem­ent. »

 partenaire­s, un seul but

déléguée départemen­tale aux droits des femmes et à l’égalité dans le 06 : «Une femme sur dix est concernée par les violences intrafamil­iales en Europe, une sur trois dans le monde. En 2020 en France, 109 Femmes sont décédées, 23 hommes et 14 enfants. Les appels au 3919, le numéro d’urgence, explosent. 35 % des femmes tuées ont déjà subi des violences. 75 % d’entre elles avaient déjà porté plainte. Nous avons signé en mars 2018 le schéma départemen­tal de lutte contre les violences faites aux femmes. La force de ce schéma, c’est notre engagement avec 270 partenaire­s. »

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(Photo Frantz Bouton) > Philippe Caillol, > Natacha Himelfarb,

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