Monaco-Matin

Plus de 300 000 victimes d’abus sexuels dans l’Église

Le rapport accablant de la Ciase dévoilé hier s’étale sur 538 pages et révèle l’ampleur des abus sexuels commis au sein de l’Église catholique, entre les années 1950 et 2020.

- AMANDINE REBOURG arebourg@nicematin.fr

L’Église n’a pas su voir, n’a pas su entendre, n’a pas su capter les signaux faibles. » Ce sont les mots de Jean-Marc Sauvé, le président de la Commission indépendan­te sur les abus dans l’Église (Ciase), devant la presse, hier, alors que celle-ci rendait son très attendu rapport sur les abus sexuels commis dans l’Église catholique. De ces longs mois d’enquête, la commission a établi un rapport de 538 pages, « accablant », selon les dires de son président.

Dans la région Paca, des agressions sexuelles ont eu lieu sur la période investigué­e entre 1950 et 2020. Ainsi, selon le rapport, le Var et les Alpes-Maritimes ont compté entre 5 et 15 abuseurs par diocèse entre 1950 et 2020. Pour l’heure, le nombre total de victimes dans ces deux départemen­ts n’est pas connu : le rapport n’offrant qu’une vision d’ensemble du territoire national sur ce sujet.

Des centaines de milliers de victimes

En parallèle à son rapport, la Ciase a commandé à l’Inserm, une enquête sur les abus sexuels en population générale, à partir d’un échantillo­n de personnes. Cette étude révèle qu’en France, 5,5 millions de personnes de plus de 18 ans ont été sexuelleme­nt agressées pendant leur minorité dans l’ensemble de la population française. Soit 14,5 % des femmes et 6,4 % des hommes en France. Parmi ces victimes, 216 000 personnes ont été abusées par des prêtres et des religieux, avec un « intervalle de confiance de plus ou moins 50 000 ».

Dans les faits, on estime donc que le nombre de victimes de clercs et religieux de l’Église catholique se situe entre « 165 000 et 270 000 » personnes, soit 4 % de la population française. Si l’on ajoute les personnes agressées par des laïcs travaillan­t dans des institutio­ns de l’Église catholique (enseignant­s, surveillan­ts, cadres de mouvements de jeunesse...), le nombre estimé de victimes grimpe à 330 000 (avec intervalle de 265 000 à 396 000).

Près de 3000 agresseurs depuis les années 

Au terme de ses travaux, la commission a dénombré entre 2 900 et 3 200 agresseurs masculins, au sein de l’Église catholique, depuis les années 50. Il s’agit là d’une estimation basse, qui s’est fondée sur les archives et les différents témoignage­s des victimes entendues par la commission. Au cours de son enquête, la Ciase a déterminé que les agressions avaient été principale­ment commises entre 1950 et 1970 : 56 % d’entre elles ont eu lieu à cette époque. Au cours des deux décennies suivantes, ce sont 22 % de ces violences qui ont été commises. L’ordre de grandeur est similaire depuis les années 90.

Comment expliquer une telle ampleur dans les années 50 ? Le silence de l’Église, tout d’abord. « L’Église veut éviter le scandale et maintenir le prêtre défaillant dans le sacerdoce, le ‘‘soigner’’, notamment à travers des structures d’accompagne­ment comme le Secours sacerdotal (ou Entraide sacerdotal­e) », souligne Jean-Marc Sauvé. Mais elle fait preuve d’une « indifféren­ce complète » à l’égard des victimes, dit-il. Ce n’est que depuis les années 90 que l’Église a pris conscience du « caractère totalement inacceptab­le des violences sexuelles », tout en peinant à agir de façon radicale.

Les profils des victimes

Dans ces affaires, on parle de pédocrimin­alité. Les victimes sont, pour l’immense majorité, des mineurs, et dans une très large proportion, des jeunes garçons au moment des faits. L’enquête de l’Inserm a démontré que 93 % des premières agressions commises par des religieux ont été commises sur des mineurs. « L’âge moyen des personnes victimes lors de leur première agression est de 10 ou 11 ans, et il est stable dans le temps, d’après

l’enquête en population générale : 10,8 ans pour une agression commise avant 1970, 10,3 ans entre 1970 et 1900, et 10,5 ans après 1990 », souligne le rapport. Les garçons représente­nt 80 % des victimes des membres du clergé. Toutefois, on constate que plus on avance dans le temps, plus la proportion de filles augmente : entre 1940 et 1969, elles représenta­ient 32 % des victimes et ce taux monte à 60 % entre les années 1970 et 1989.

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(Photo Laurent Martinat) Le Var et les Alpes-Maritimes ont compté entre  et  abuseurs par diocèse entre  et .

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