Monaco-Matin

Roche : « C’était le moment »

A 37 ans et après dix-sept années chez les pros, le plus azuréen des Irlandais vient d’annoncer sa retraite. Il aura notamment disputé 25 grands Tours et remporté deux étapes sur la Vuelta.

- ROMAIN LARONCHE

Nicolas Roche a disputé sa dernière course profession­nelle dimanche, en prenant la sixième place des championna­ts d’Irlande. Son pays, lui qui partage son coeur entre la nation de son père Stephen, auteur du fameux triplé Giro-Tourchampi­onnats du monde en 1987, et la France, ou plus précisémen­t la Côte d’Azur, là où il vit depuis plus de 20 ans. « Après 17 ans et 1 270 jours de course en pro, j’ai pris mon dernier départ aux Championna­ts d’Irlande, à Wicklow », a annoncé le coureur sur Instagram. Hier après-midi, celui qui a porté les maillots de l’OCC Antibes, l’OCCV Draguignan et du Sprinter club de Nice chez les jeunes est revenu sur son choix.

Cette décision est venue à vous un matin ?

Ce n’est pas si brusque que ça. En début de saison, je pensais encore faire deux ou trois ans, puis j’ai fini le Giro fatigué. A partir de juin, j’ai commencé à voir les choses différemme­nt. En août, je pensais déjà à la fin de saison, ce qui ne m’arrivait pas si tôt, et les négociatio­ns de contrat me bouffaient, mon âge entrait en compte...

Il y a ce passage comme consultant à la télé...

Fin août, j’ai passé cinq jours avec Eurosport sur la Vuelta. Toute ma vie, je n’ai vécu que vélo et je ne pensais pas pouvoir prendre du plaisir ailleurs, comme je l’ai fait à l’antenne. Ensuite, j’ai pris le départ du GP de Plouay. Pour la première fois de ma carrière, je n’avais pas envie d’être là. Je savais que je ne serais pas prolongé par DSM, j’ai appelé mon manager pour

A Monaco en , pour la présentati­on de son premier Tour. lui dire d’arrêter les négociatio­ns. Ma décision était prise. Ensuite, j’ai disputé le Tour de GrandeBret­agne, une course que j’adore et où j’ai bien marché (e), j’ai hésité à refaire un an. Mais j’avais des opportunit­és, c’était le moment de les saisir et de tourner la page.

Physiqueme­nt, c’était plus dur de vous faire mal à l’entraîneme­nt ?

Physiqueme­nt, je me sentais encore bien, je pense l’avoir prouvé cette saison. Mais lorsque je termine e de l’étape de montagne sur le Tour de Grande-Bretagne, je reste cinq minutes au sol pour récupérer. Se mettre dans cet état-là, je pouvais encore le faire, mais c’était moins instinctif. Et puis, à l’entraîneme­nt, c’est plus dur de se faire aussi mal quand ton boulot n’est plus d’être leader, mais de prendre le vent pour Bardet pendant  km. On me demandait un travail de positionne­ment, d’endurance.

En  ans de carrière, qu’est-ce qui vous rend le plus fier ?

Difficile de ne sortir qu’une chose. Déjà, la sensation de passer pro. C’était en septembre , avec Cofidis. Le début d’une aventure, d’un rêve. Après, je retiens ma première victoire sur le Tour de l’Avenir en . Aussi la Vuelta , qui a été un déclic. Je me voyais puncheur, j’ai su que j’avais les capacités d’encaisser les grands Tours. Et puis, la Vuelta  (e). C’est là où je me suis senti le plus fort. Je pense aussi à ma victoire d’étape sur la Vuelta , parce que j’étais tombé lourdement.

Nicolas Roche - ici lors des JO de Tokyo - a terminé sa carrière dimanche avec le championna­t d’Irlande, dont il a pris la sixième place.

J’ai fait une semaine de gruppetto, tous mes copains me disaient de rentrer chez moi. Je me suis accroché et j’ai gagné. Ça me caractéris­e bien, je n’avais rien lâché.

Quel a été le leader qui vous le plus marqué ?

Alberto (Contador). C’était le patron de l’équipe, mais pour lui la vie de groupe était plus forte que les watts que tu pouvais fournir. Il savait tout de ses équipiers, s’intéressai­t à eux. Si ton poisson rouge comptait pour toi, il demandait de ses nouvelles. L’humain avait une place très importante, par rapport aux équipes que j’ai connues ensuite. Et j’ai aussi envie de dire Richie Porte. C’est mon copain d’entraîneme­nt et un gars impression­nant sur les courses d’une semaine qui, malheureus­ement, a toujours eu un jour sans ou des pépins sur les grands Tours.

Le jour où vous êtes senti le plus fort ?

Ma victoire d’étape sur le Tour de Beijing (). Je ne devais même pas y aller mais Julien Jurdie (directeur sportif chez AGR) m’a convaincu. Tout s’est passé idéalement. Je me sentais bien, j’avais fait rouler l’équipe. Dans le final, je suis sorti avec

Deignan et Froome. On n’avait jamais plus de  secondes d’avance et j’ai réussi à m’imposer d’un rien, alors que le peloton revenait. Sur le scénario, c’est la victoire que j’avais rêvée.

La course que vous auriez aimé gagner ?

Une étape sur le Tour de France. J’ai fait beaucoup de « top  » ( sur les grands Tours, dont  sur le Tour), mais je n’ai jamais réussi à m’imposer, ni à porter un maillot distinctif. J’ai été deux fois le plus combatif, mais c’est mon plus gros regret, de ne pas avoir gagné sur le Tour.

Les passages du Tour dans les Alpes-Maritimes restent des moments forts ?

Evidemment, à  %. En , c’était en plus mon premier Tour, pour ce grand départ à Monaco. En , après le départ de Corse, je suis à Nice pour mon anniversai­re. J’ai cru pouvoir endosser le Maillot Jaune ce jour-là, lors du chrono par équipes, mais je le manque pour  secondes. Il y avait ma famille, mes amis, ça aurait pu être une super success-story, c’est passé proche. En , avec la Covid, ce n’était quand même pas la même fête. Mais je retiens l’ascension du col d’Eze, où une quinzaine d’amis m’attendaien­t et avaient inscrit mon nom sur la route. C’était touchant. Encore aujourd’hui, je repasse deux-trois fois par semaine, je vois l’inscriptio­n et ça me rappelle de bons souvenirs.

En  ans de carrière, vous avez connu une grosse évolution, notamment dans l’entraîneme­nt...

‘‘

Contador était le patron de l’équipe, mais pour lui la vie de groupe était plus forte que les watts.”

J’ai commencé le vélo avec les vitesses au cadre... Pour mes débuts profession­nels, j’inscrivais mes sorties d’entraîneme­nt sur un carnet et je passais un coup de fil à mon entraîneur. Aujourd’hui, les données doivent être envoyées sur Internet le jour même, tout est analysé. Il faut toujours s’adapter à la modernité.

Quels sont vos projets pour l’après-carrière ?

J’en ai plusieurs.

Je serai consultant pour la télé, je vais ouvrir un magasin de triathlon en Irlande, travailler avec mon manager pour des missions de consulting... Mais je resterai à Monaco et sur la Côte d’Azur. C’est ici que j’ai ma famille et mes amis. :

 ?? (Photo DPA) ??
(Photo DPA)
 ?? (Photo MaxPPP) ?? Avec Chris Froome en , sur le Tour de France que le Britanniqu­e remportera.
(Photo MaxPPP) Avec Chris Froome en , sur le Tour de France que le Britanniqu­e remportera.
 ?? (Photo EFE) ?? C’est sur la Vuelta que Nicolas Roche aura connu ses plus grands succès, comme ici avec le maillot de leader en .
Profession­nel de 2005 à 2021 :
Palmarès
(Photo EFE) C’est sur la Vuelta que Nicolas Roche aura connu ses plus grands succès, comme ici avec le maillot de leader en . Profession­nel de 2005 à 2021 : Palmarès
 ?? (Photo F.B.) ?? Dans l’ascension du col d’Eze en , un de ses cols préférés.
(Photo F.B.) Dans l’ascension du col d’Eze en , un de ses cols préférés.
 ?? (Photo P.L.) ??
(Photo P.L.)

Newspapers in French

Newspapers from Monaco