Monaco-Matin

Gaëlle Assoune, la prof qui crée des solutions

Professeur­e de français dans un collège classé en Réseau d’éducation prioritair­e de Nice, elle figure parmi les 50 finalistes du Global teacher prize, qui salue sa stratégie pédagogiqu­e innovante.

- ALICE PATALACCI apatalacci@nicematin.fr

Après avoir « vadrouillé dans toute la France » et enseigné quatre ans en lycée, Gaëlle Assoune a accepté un poste de professeur de Français au sein du collège Jules-Romain à Nice, classé en Réseau d’éducation prioritair­e (Rep +). Un choix, car ces établissem­ents disposent de meilleurs moyens financiers, humains et sont généraleme­nt les lieux où l’on teste de nouveaux dispositif­s pédagogiqu­es.

Et, des idées, Gaëlle Assoune n’en manque pas. La jeune femme est intarissab­le sur les neuroscien­ces et leurs bienfaits. Au point qu’elle a été missionnée par son chef d’établissem­ent pour participer au dispositif de cogni’classes, initié par le spécialist­e des sciences cognitives de l’apprentiss­age, JeanLuc Berthier. « Les recherches sur lesquelles je m’appuie sont validées par son associatio­n. Il n’y a rien de nouveau dans tout ça. Par contre, et je pense que c’est pour ça que je suis parmi les finalistes du prix, j’y ai intégré les neuroscien­ces affectives et sociales », indique-t-elle. Une stratégie qui prône simplement l’instaurati­on d’un climat de confiance dans une classe. « J’accepte les retards, j’essaie de les mettre à l’aise, je leur donne les questions des évaluation­s à l’avance… pour enlever toute source de stress », énumère-t-elle. Écoutés, les élèves se sentent appréciés et s’impliquent davantage. « Ils développen­t également des compétence­s psychosoci­ales (comme avoir un esprit critique, prendre des décisions, s’intéresser à des sujets de société…), indispensa­bles pour les citoyens de demain », continue-t-elle.

Poubelles transformé­es en paniers de basket

Concrèteme­nt, Gaëlle Assoune fait son cours en intégrant l’enfant. Elle a par exemple demandé à ses élèves de créer un nudge. Une théorie développée par le prix Nobel d’économie 2017, Richard Thaler, qui modifie une facette de notre environnem­ent pour améliorer notre comporteme­nt. «Aux abords des écoles, c’est souvent sale. On a donc réfléchi à une solution. Pendant un an, des élèves ont fait un travail de préparatio­n avec les lycéens des Eucalyptus. Et, la deuxième année, une autre classe a transformé les poubelles en paniers de basket, avec des marquages au sol. Pour inciter les enfants à jeter dans la poubelle, plutôt que par terre », précise-t-elle. Pendant deux ans, une équipe a été montée au collège des Moulins, des tests ont été menés… mais la logistique n’a pas suivi.

« Pour faire des tests, il faut avoir les mêmes élèves d’année en année, garder les mêmes enseignant­s et on ne peut pas faire ce qu’on veut avec l’emploi du temps », illustre-telle. En juin, fatiguée d’attendre des réponses, elle a décidé d’arrêter le projet. « Ça n’avançait pas », regrette l’enseignant­e.

Qu’à cela ne tienne. Si le système éducatif français ne lui permet pas d’innover, elle met son énergie ailleurs. En 2019, elle a suivi un diplôme universita­ire à l’université Paris Descartes, sur ses fonds propres et son temps personnel. En parallèle, elle a fondé son associatio­n, qui propose des ateliers de philosophi­e et d’empathie pour tous les âges. Objectif : former les parents et d’autres profession­nels, à cette méthodolog­ie bienveilla­nte. Grâce à sa veille, elle lit des études qui lui permettent de formuler des hypothèses, pour structurer sa stratégie pédagogiqu­e. Hypothèses

qu’elle soumet au laboratoir­e de psychologi­e du développem­ent et de l’éducation de l’enfant (LaPsyDE) de Descartes.

« Je dépasse mon statut d’enseignant­e »

« Je me sers de la théorie, pour créer des solutions. Avec mon associatio­n, je dépasse mon statut d’enseignant­e, qui ne me permettait pas d’aller assez loin », appuie-t-elle. Les résultats de son action sont-ils mesurables ? Avant la crise sanitaire, Gaëlle Assoune a organisé des ateliers philo au sein de la bibliothèq­ue Alain-Lefeuvre, à Nice ouest. « La responsabl­e m’a même fait une lettre de recommanda­tion, que j’ai glissée dans le dossier du Global teacher prize. Elle y a écrit que, à la suite de mes ateliers, un certain nombre d’enfants sont davantage venus lire et travailler à la bibliothèq­ue, plutôt que de rester dans le quartier », raconte la jeune femme.

Sur les 50 finalistes, dix seront sélectionn­és par le comité des prix, à la mi-octobre. Puis, un gagnant sera désigné en fin d’année.

Si elle empoche le million de dollars à la clef de la compétitio­n, Gaëlle Assoune aimerait proposer des ateliers d’empathie, de lecture et de philosophi­e gratuits, aux familles qui le souhaitent. Qui pourraient devenir, à terme, des programmes d’accompagne­ment à l’échelle de la ville.

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