“ Le porteavions, c’est un peu comme Monaco”
Avec quarante-sept printemps au compteur, son curriculum vitae est étoffé. Sa carrière militaire riche de diverses expériences. À l’instar de bon nombre de soldats du feu en exercice, le terreau familial a été prépondérant chez le commandant Maxime Yvrard, natif de Bourgoin-Jallieu. C’est son père André, ancien chef de corps de la caserne iséroise de Nivolas-Vermelle, qui lui a transmis le feu sacré de la profession.
« J’adorais faire un tour dans les camions pendant les gardes. C’était possible à l’époque. Forcément, ça marque, ça met plein d’étoiles dans les yeux. » Plutôt que d’embrasser une carrière de professeur de sport – sa vocation initiale – il en amorce une chez les sapeurspompiers, à seize ans. «On apprenait sur le tas, sans réelle formation. Ma première intervention était un gros feu de menuiserie. Ça chauffait. Ce n’était pas les mêmes tenues et le même matériel qu’aujourd’hui », se souvient-il.
« Marseille regroupe tous les risques »
Au sortir d’études supérieures dans la cité phocéenne puis à Grenoble, Maxime Yvrard intègre, en 1997, le réputé bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM). « Un corps fabuleux, une très grosse unité où vous touchez à tout et en grosse quantité, résume-t-il. Marseille est une ville qui regroupe tous les risques : maritime, météorologique avec le vent et les inondations, technologique, urbain et feux de forêts. Tout, saufs les avalanches. »
Il y passera dix-sept années, alternant entre les compagnies opérationnelles – le terrain, le feu de l’action – et l’État-major, davantage porté sur les dossiers et la feuille de route à tenir. C’est lui, d’ailleurs, qui mettra au point la nouvelle tenue d’intervention « feu » des marinspompiers de Marseille. Au-delà des évolutions techniques des matériaux utilisés, le changement de coloris est radical. Du bleu au… rouge vif. Une petite révolution en 2001.
« Il y avait les pour et les contre. Faire bouger les traditions était compliqué. Celles-ci doivent s’arrêter quand nos hommes sont en danger. La couleur bleue n’était pas visible de nuit, sur les accidents de la route, ou encore sur les feux de forêts lors des largages d’avions. »
Chef de la sécurité sur le Charles de Gaulle
Autre ligne prestigieuse à son CV, inscrite dès 2008 : la responsabilité de la sécurité incendie et des personnes de l’aéroport Marseille-Provence et du site industriel d’Airbus Helicopters. Mais la mission la plus exaltante de sa carrière se jouera, en tant qu’officier supérieur, sur le plus gros navire de guerre européen : le Charles de Gaulle, sur lequel il dirigera le service sécurité de 2011 à 2013. « Le porte-avions, c’est un peu comme Monaco, se plaît-il à comparer. C’est un petit territoire avec une énorme densité de population : 2 000 marins. Dessus, les risques sont nombreux : deux centrales nucléaires, un aéroport flottant, un hôpital, des soutes à munitions et à carburant, de l’hôtellerie, un hangar à avions, des cuisines… Tout est régi par des procédures, rien n’est laissé au hasard. »
Il sillonnera mers et océans durant 125 jours. Entre phases d’entraînements et théâtres de guerre. Entre 2013 et 2015, à Paris, il revêt une double casquette à la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises. D’abord comme expert maritime et portuaire. Mais aussi comme officier d’astreinte au Centre opérationnel de gestion interministériel des crises. Là, place Beauvau, on le retrouve au plus haut niveau décisionnel de l’État français. « Pour les attentats de Charlie Hebdo, de l’Hyper Cacher, de Montrouge, du crash de l’avion de la
German Wings, pour les manifestations parisiennes », liste-t-il.
« Un territoire complexe »
Un profil complet, de technicien, attiré par les nouvelles technologies, qui a su séduire le prince Albert II et le colonel Tony Varo. Depuis 2015 à Monaco, avant d’être nommé à la tête de 150 pompiers, le commandant Yvrard était chargé de l’analyse des risques du territoire et de la distribution des secours. Il a aussi piloté la refonte du centre opérationnel, le lieu où sont réceptionnés les appels du 18 et qui engagent des secours. «Monaco, c’est un condensé de tout ce que j’ai pu faire dans ma carrière. C’est un territoire complexe avec beaucoup d’enjeux. On peut intervenir sur un bateau, dans un tunnel, un train, en haut d’un immeuble ou d’une grue, sur une Formule 1. Pour être performant, cela demande de l’imagination. La prévention et la formation sont aussi primordiales. » Dans sa feuille de route, le développement accru du numérique. Il y a eu les drones. Il y aura peut-être bientôt la réalité augmentée dans les casques, les robots d’intervention, les maquettes numériques 3D. « Tout cela a une plus-value opérationnelle. Les personnes engagées interviennent plus vite et toujours plus en sécurité. » Et de conclure :
Mon axe prioritaire : les relations humaines. Je veux travailler en confiance, responsabiliser mes militaires. Le chef tout seul ne sert à rien s’il n’a pas son équipe derrière. Je veux que les pompiers soient fiers d’appartenir et servir à la Principauté. »
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