Monaco-Matin

En , l’histoire du seul condamné à mort azuréen

À l’occasion de l’anniversai­re de l’abolition de la peine de mort, retour sur l’affaire Billy Bloy, un homme à la gâchette facile, qui avait un désir si fort de s’enrichir qu’il en fut guillotiné. Il y a  ans la peine de mort abolie

- ÉLODIE ANTOINE elantoine@nicematin.fr

Nous sommes en 1947, soit 34 ans avant l’abolition de la peine capitale. À tout juste 40 ans, Billy Bloy, un chef d’orchestre reconnu sur la Côte d’Azur se rendra coupable d’un acte effroyable. Le 21 février, le maestro « est engagé dans une boîte de nuit à Cannes » rapporte le quotidien FranceSoir. À l’issue de la représenta­tion, il monte dans le véhicule de Robert Devaux, qui est accompagné de sa femme, pour se rendre à Grasse.

Sur le chemin, à Pégomas plus précisémen­t, il fit stopper le véhicule « sous un quelconque prétexte ». C’est alors que l’horreur se produisit. Il déchargea son revolver sur le couple. Le mari, qui est avocat (ou plus précisémen­t « avoué », une profession juridique plus limitée, ayant disparu depuis 2012), reçoit cinq balles ; sa femme, quatre.

Arrêté en deux heures

Pensant ses victimes décédées, le chef d’orchestre prend la fuite. Mais dans un dernier souffle, Robert Devaux indique à un passant l’identité de son agresseur. Son épouse, quant à elle, feint d’être morte. Sans cela, Billy Bloy, qui se prénomme en réalité André, l’aurait sûrement achevée.

II fut arrêté deux heures plus tard. Après avoir longuement nié et donné « des versions successive­s, mais toutes imaginaire­s du drame », apprend-on dans un article paru le 27 novembre 1947 peu après le procès, dans le magazine Qui ? Détective, il finit par avouer.

Il s’agit d’un acte prémédité, puisqu’il voulait s’emparer d’une grosse somme d’argent que M. Devaux avait sur lui : 250 000 francs (l’équivalent d’environ

André, dit « Billy », Bloy à la barre lors de son procès, en novembre .

20 000 euros). Si aucun complice n’a été désigné, il semblerait pourtant qu’une tierce personne lui avait indiqué que son compagnon de voyage détenait cette somme ce jour-là.

Dans l’article accordé au procès du chef d’orchestre dans le magazine spécialisé dans les faits divers, il est précisé qu’il aurait peut-être « réussi à jeter le trouble dans l’esprit des jurés, si notre confrère, le photograph­e Bravet, de Nice, n’était pas venu dire, que huit jours avant l’assassinat de Devaux, lui, Bravet avait aussi failli être la victime de Billy Bloy ».

« Cynisme révoltant »

La présence de la veuve éplorée et affaiblie à la barre a aussi pesé sur la balance. « Durant tous les débats, Bloy montra un cynisme révoltant, allant même parfois jusqu’à l’ironie, (Repros DR) jusqu’à l’insolence », raconte Mario Brun dans son compte rendu d’audience. Ce n’est qu’au moment où le verdict de mort est tombé à la cour d’assises des Alpes-Maritimes, qu’ « il retrouva quelque chose d’humain : il se pencha violemment hors du box pour embrasser sa malheureus­e femme dont les cris remuaient l’assistance et s’agrippait au box pour dire adieu à cet être infâme qu’elle avait adoré et qu’elle aimait encore malgré ses crimes. » « Il se trouve que la France aura été, en dépit de tant d’efforts courageux, l’un des derniers pays, presque le dernier – et je baisse la voix pour le dire – en Europe occidental­e, dont elle a été si souvent le foyer et le pôle, à abolir la peine de mort. »

Le  septembre , le ministre de la Justice, Robert Badinter, prononçait son célèbre discours devant l’Assemblée nationale. Moins d’un mois plus tard, le  octobre, François Mitterrand abolissait la peine de mort en promulguan­t la loi n°-. Le lendemain, elle était publiée au Journal officiel.

« La référence à cette peine est remplacée par la référence à la réclusion criminelle à perpétuité ou à la détention criminelle à perpétuité suivant la nature du crime concerné », est-il précisé à l’article .

Avant cela, les condamnés étaient soit guillotiné­s comme Billy Bloy, soit fusillés par un peloton d’exécution.

Le seul et unique condamné à mort du départemen­t fut guillotiné à l’aube dans la cour d’une prison à Nice le 27 mai 1948. Un peu plus d’un an après les faits. Le lendemain de l’exécution, le quotidien France-Soir titrait sèchement « Une tête est tombée à Nice ».

Au centre, Billy Bloy embrassant sa femme après l’annonce du verdict. À droite, la veuve de la victime, Mme Devaux.

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