Monaco-Matin

« L’omerta criminelle de l’Église catholique »

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

Rédacteur en chef de Golias, dont les publicatio­ns sont critiques à l’endroit de l’institutio­n ecclésiast­ique catholique, Christian Terras bondit à l’idée que le secret de la confession puisse l’emporter sur les lois de la République.

Que pensez-vous de la position de Mgr Eric de Moulins Beaufort, président de la Conférence des évêques de France ?

Dire que le secret de la confession n’est pas opposable aux lois de la République, cela relève du séparatism­e. C’est ce qui a toujours fait le lit, le creuset de l’omerta criminelle de l’Église catholique, concernant la pédophilie. Le secret de la confession a aidé à protéger, pendant de nombreuses années, des prêtres qui pouvaient se sentir impunis. Ce que m’évoquent les prises de position de Mgr Eric de Moulins Beaufort, c’est qu’au lendemain de la publicatio­n du rapport Sauvé, il n’a toujours pas compris que l’Église devait se mettre en réforme, par rapport à une culture qui a propagé, encouragé, couvert la pédophilie.

« Un imam déclarerai­t que sa foi s’oppose aux lois de la République, tout le monde gueulerait », note cet observateu­r critique de l’institutio­n catholique.

Moi qui suis lanceur d’alerte sur ce sujet depuis trente ans, je dis que la raison d’Église qui fonctionne comme la raison d’État, c’est d’un cynisme inouï. Lui n’a pas réalisé que le vice est dû en partie à des fonctionne­ments parallèles, alors que justement, après cette commission que les hauts responsabl­es de l’institutio­n ont eu l’intelligen­ce de mettre en place, l’une des  propositio­ns consiste à revisiter ce secret de la confession.

Dire que l’Église a couvert ou qu’elle a encouragé la pédophilie, ce n’est pas tout à fait du même ordre…

Encouragé, dans le sens où, en couvrant ces prêtes, elle n’a rien fait pour les dissuader.

Cela suppose aussi que des prêtres pédophiles s’en soient ouverts à confesse. Peut-on le croire ?

On n’a pas d’éléments tangibles sur le nombre, mais je sais pour ma part que des prêtres se sont confessés, qui avaient commis des méfaits, et auxquels il a été conseillé de remettre de l’ordre dans leur vie et de consulter un psychologu­e. Sans plus.

Un prêtre, à Nice, estime qu’il faut punir les déviants, mais que la conscience prime. Comment interpréte­r son tweet ?

C’est ce que j’appelle du jésuitisme. Il y a des faits qui relèvent du pénal. Même s’ils sont dicibles en confession, ils ne sont pas opposables à la loi. L’évêque de Lyon, Mgr Olivier de Germay, qui vient d’Ajaccio, plutôt conservate­ur, classique, contredit complèteme­nt son collègue de Reims qui préside la Conférence épiscopale. Je crois qu’il a saisi, lui, la portée du rapport Sauvé. Donc, ça commence à bouger.

Un imam déclarerai­t que sa foi s’oppose aux lois de la République, tout le monde gueulerait. Et cela ferait la Une des journaux. Mgr de Moulins Beaufort a la chance, entre guillemets, de faire partie d’une espèce de patrimoine culturel catholique majoritair­e en France qui fait que, quelque part, cela amortit le choc de ses paroles.

Cet archevêque met en avant une circulaire de la Chanceller­ie du  août , qui souligne que ce secret, imposé aux prêtres par le droit canonique, n’est pas contraire au droit français. Votre analyse ?

Il joue sur les mots. Ce n’est pas contraire au droit français, mais c’est très clair : dès lors qu’il s’agit de faits criminels, on casse le secret de la confession. Il en va de même du secret profession­nel qui doit être levé, je crois, lorsqu’un avocat a connaissan­ce d’un crime.

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(DR)

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