« Ce prix, c’est une façon de dire qu’on a bien travaillé »
Annie Ernaux est lauréate cette année du Prix littéraire de la Fondation Prince Pierre. Une distinction qui honore celle qui distille depuis cinquante ans une oeuvre autobiographique.
Émue et étonnée, Annie Ernaux est montée sur la scène de la Salle Garnier, mardi soir, pour recevoir le Prix littéraire 2021 de la Fondation Prince Pierre. Une distinction remise par la présidente de la fondation, la princesse de Hanovre, elle aussi émue de distinguer cette femme de lettres singulières, devenue avec une vingtaine de publications sur ces cinquante dernières années, une icône dans le paysage littéraire français. Car les écrits d’Annie Ernaux, largement autobiographiques, touchent au coeur et à l’âme. Elle y livre sa vie, ses amours, ses relations au monde. « Un travail solitaire », assure-telle, que celui de l’écriture… plébiscité cette année par les sages de la fondation.
Quel est votre sentiment d’être la lauréate cette année du Prix Littéraire de la Fondation Prince Pierre ?
Ce prix, c’est une façon de dire qu’on a bien travaillé. Je ne me rends pas compte de ce que j’écris, mais l’ensemble mis bout à bout finit par faire un travail. Je n’ai jamais écrit de vrai roman, je fais autre chose. On peut appeler ça autobiographie, autofiction… Mais je suis très touchée de recevoir une reconnaissance. Et quelle reconnaissance, car la Principauté de Monaco, ça fait rêver !
Vous avez d’ailleurs fait
référence, en recevant votre prix, au mariage du prince Rainier III et de la princesse Grace en , évoquant un
« souvenir ébloui » dans votre adolescence.
Ce mariage oui, c’est un souvenir de jeunesse. On a peut-être oublié à quel point c’était un événement. À l’époque, ça faisait la Une de tous les journaux, c’était un roman vivant ! Et quelque part, les gens ont toujours besoin de roman…
La Fondation Prince Pierre salue l’ensemble de votre oeuvre. L’oeuvre d’une écrivaine devenue un modèle, une
référence pour toute une génération d’auteurs. En avezvous conscience ?
J’ai découvert en effet, que beaucoup de jeunes écrivains disent avoir été inspirés par mon travail. C’est un rôle que je n’imaginais pas avoir, mais peut-être je suis aux avantpostes d’une écriture de femme, mais pas seulement. Quand j’y pense, Simone de Beauvoir a été importante pour moi, même si mes modèles, comme Virginia Woolf étaient un peu plus lointains. Mais dans notre époque, tout va plus vite, et on prend comme modèle des femmes et des hommes qui écrivent et qui sont encore vivants.
Depuis plusieurs années maintenant, vos écrits sont adaptés sur scène ou à l’écran. Comment vivez-vous ces transpositions ?
C’est tout à fait différent, car c’est une transposition qui ne va pas de soi quand il s’agit d’oeuvres à la première personne. Au théâtre c’est facile. Au cinéma, il y a une transformation. C’est une façon de continuer mes textes, dont je ne suis pas propriétaire. Ce qui se passe dans la tête des gens qui lisent, on ne le sait pas et je ne le saurais jamais. Le cinéma permet de voir ce que la réalisatrice ou le réalisateur ont dans la tête. Ça peut être effectivement très fort, notamment le film L’événement [adapté du livre éponyme d’Annie Ernaux, réalisé par Audrey Diwan et lauréat du Lion d’Or à Venise en septembre dernier, en salles le novembre N.D.L.R.]. J’ai hâte que les gens le voient, car c’est un film intense.