Dispensé de masque, la croisade contestée d’un handicapé niçois
Christophe, 33 ans, dispose d’une dispense médicale du port du masque. Très procédurier, il entre régulièrement en conflit avec des administrations ou des commerces qui lui interdisent leur accès.
S’il fallait une illustration de la judiciarisation de la société, Christophe, 33 ans, en est l’incarnation. Bénéficiant d’une allocation d’adulte handicapé en raison d’une maladie psychiatrique, cet homme devient un cauchemar pour la justice niçoise. Il apparaît dans 62 procédures (civiles et pénales) révèle, un brin agacé, le procureur adjoint Jean-Philippe Navarre.
Dernière en date : la saisine directe, mardi, du tribunal correctionnel contre la directrice d’une agence postale de Nice, accusée de « discrimination d’une personne vulnérable ». Christophe affirme, par la voix de son avocat Me Pazzano, qu’on lui a refusé l’accès de l’agence de la rue Barberis malgré son certificat médical photographié sur son smartphone. Un psychiatre le dispense effectivement du port du masque en raison d’une « symptomatologie phobique » et d’un « risque majoré d’angoisse ». « Mon client déteste l’injustice, connaît la loi et ne tolère pas que des personnes abusent de leur pouvoir », plaide son conseil.
Procédurier
La procédure de citation directe – peu courante –, permet à un citoyen de saisir la justice sans
Le dernier incident en date est intervenu à la poste Garibaldi à Nice. L’avocat de la défense a estimé que la procédure de Christophe était « abusive » et « encombrait inutilement le tribunal ».
même une enquête préalable. La supposée victime doit, en revanche, verser une consignation. Si le juge estime la saisine abusive, il peut condamner le plaignant à une amende allant jusqu’à 15 000 euros d’amende. Christophe, bénéficiant de l’aide juridictionnelle, est dispensé de toute consignation et son allocation est insaisissable... Il ne prend donc aucun risque à poursuivre ses contemporains. D’où cette propension à attaquer en justice tous azimuts. Certaines grandes enseignes ont préféré négocier, préférant un bon arrangement à un mauvais procès. Ils l’ont dédommagé soit en argent soit en chèque-cadeau !
Postière relaxée
La directrice de l’agence postale incriminée a sacrifié son après-midi mais elle a tenu à être présente pour se défendre. «Je ne pense pas avoir commis d’erreur, explique-t-elle à la barre du tribunal. Ce monsieur ne voulait pas montrer ses documents. Je ne pouvais manipuler son téléphone pour des raisons sanitaires ; c’est pourquoi on lui a demandé une attestation papier. Attestation que l’on photocopie pour nous couvrir vis-à-vis des autres clients. Ce monsieur, dont le handicap, je le précise, n’est pas visible, ne voulait pas entendre raison. »
Il est fréquent que le parquet, dans ce genre d’affaire, s’en remette à la sagesse du tribunal. Ce ne fut pas le cas cette fois. Le procureur Navarre a d’abord critiqué l’absence au procès du principal intéressé. Celui-ci, victime de « toc », trouble obsessionnel compulsif de propreté, ne peut envisager de laisser son téléphone portable sur le tapis roulant des agents de sécurité du tribunal. Le magistrat a ensuite rappelé « qu’il faut produire l’original d’une pièce d’identité pour retirer un recommandé ». Selon le magistrat, La Poste a agi pour garantir la sécurité sanitaire des autres clients et de son personnel.
Le plaignant, après dix minutes de négociations, a d’ailleurs fini par montrer sa carte nationale d’identité et son colis en recommandé lui a été remis sur le palier de l’agence. C’est donc une relaxe qu’a demandée le magistrat à la grande satisfaction de Me Audoli, outré par cette procédure qui, selon lui, « encombre inutilement la juridiction », tançant au passage son confrère en partie civile. La relaxe a été prononcée par le tribunal présidé par Christian Legay. Sans le moindre commentaire. Me Pazzano a, d’ores et déjà, fait appel.