Monaco-Matin

Une journée pour renouer avec le savoir des anciens

La communauté d’agglomérat­ion de la Riviera française organisait samedi une formation à la constructi­on de murs en pierres sèches à Menton. Une pratique ancestrale qui a de l’avenir...

- MARGAUX BOSCAGLI mboscagli@nicematin.fr

Des pierres, et seulement des pierres. Ni liant, ni mortier. Juste un peu de patience et de la bonne volonté. C’est tout ce dont il est question pour bâtir un mur en pierres sèches. Une pratique ancestrale que la communauté d’agglomérat­ion de la Riviera française entend bien remettre au goût du jour.

Depuis quatre ans, elle organise des formations dédiées à cette méthode de constructi­on dans le cadre d’un programme transfront­alier visant à valoriser les connaissan­ces

(1) et les savoir-faire des profession­nels locaux. Samedi, ils étaient une petite dizaine à venir s’essayer à l’ouvrage au Monastère de l’Annonciade, à Menton, sous les conseils avisés de Serge Toscan, paysan-murailler depuis 25 ans.

« C’est simple en réalité, c’est du bon sens mais il faut quand même avoir les bases », explique le profession­nel. Les bases, justement, c’est ce qu’il tente de transmettr­e lors de ces ateliers-chantiers d’une journée. « Normalemen­t il faut cinq ans pour devenir murailler, sourit-il, soucieux de rappeler que ce savoir-faire a été reconnu comme métier d’art et distingué par l’UNESCO. Ici, on aborde les points essentiels : l’épaisseur, l’angle… Si tu veux que ton mur tienne, il faut au moins respecter ça. »

Un métier d’avenir

Lunettes de protection sur le nez et

Producteur­s, artisans ou simples particulie­rs... Les formations attirent des profils variés.

chaussures de sécurité aux pieds, les initiés s’activent après quelques consignes et un passage en revue des outils qu’ils vont devoir manoeuvrer. D’abord, il faut terrasser l’espace. Puis, disposer les roches les unes sur les autres, en les calant intelligem­ment.

« Quand on se promène en montagne et qu’on voit des murs en pierres sèches, il faut se dire que derrière chaque pierre, il y a eu une pensée. C’est un homme qui a posé cette pierre. C’est fantastiqu­e ! », s’enthousias­me Serge Toscan. Si aujourd’hui ils ne sont plus qu’une dizaine de muraillers dans le départemen­t – et seulement trois entre la Métropole et la Carf – lui voit de l’avenir dans cette maîtrise.

« Il y a un renouveau depuis cinq ans, observe-t-il. J’ai de plus en plus d’appels pour faire des devis, une école profession­nelle s’est créée en

France. C’est tout à fait contempora­in. » La raison ? « Un constat collectif à l’encontre de notre société où tout est hyperconne­cté et va très vite ,estime-t-il. Les murs en pierres sèches, ce n’est pas ça. Il faut prendre le temps. On sent que les gens ont envie de retrouver ce savoir-faire ancien. »

Patrimoine et conscience écologique

Producteur­s, artisans ou simples particulie­rs… Les participan­ts à ces formations viennent d’horizons divers mais leurs attentes sont souvent similaires. « Il s’agit pour la plupart de personnes intéressée­s par la pierre sèche pour le patrimoine, qui possèdent un terrain agricole et souhaitent le valoriser, ou bien qui viennent d’acquérir un terrain et veulent le réhabilite­r sans passer par le béton », indique Serge Toscan. C’est le cas de Yohan et Marjorie, venus ce samedi. Le couple vient d’acheter un terrain à Castillon avec d’autres propriétai­res. « On voudrait rénover notre terrain à l’ancienne, et surtout c’est esthétique­ment beau », détaillent-ils.

Aurélie, ouvrière agricole spécialisé­e en plantes de parfums, a quant à elle était attirée par « le côté local et respectueu­x de l’environnem­ent ». « J’aime l’idée que ça serve autant pour la Terre que pour les gens », livre la jeune femme venue de Grasse pour l’occasion. « Avec ces formations, on réussit aussi à toucher des jeunes, souligne Serge Toscan. Je me souviens d’un maçon de 22 ans qui a quitté cette voie après l’atelier pour devenir murailler. Ça m’a vraiment touché, je pense souvent à lui. » 1. Lesformati­onssedérou­lentsurles­quatrecomm­unes du littoral dans le cadre d’un programme de coopératio­n transfront­alière entre la France et l’Italie. Elles sont financées par le fonds européen de développem­ent régional. Prochaines dates à venir. Renseignem­ents : www.riviera-francaise.fr ou au 04.92.41.80.37.

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(Photo Jean-François Ottonello)

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