« Les Entretiens de Nice ont fait vivre l’esprit français »
Jérôme Chartier, président fondateur des Entretiens de Royaumont, salue le succès des Entretiens de Nice, organisés vendredi par le Groupe Nice-Matin avec la Métropole Nice Côte d’Azur.
en profondeur. Ce « devoir sacré des Hommes » pour Émilie du Châtelet, que représente l’éducation, et qui se doit de bousculer le conformisme et d’éviter à tout prix la pensée unique. Cet esprit français, éclairé et rayonnant, est profondément ancré à Nice, ville adorée par nombre d’écrivains et penseurs qui y ont grandi ou y ont élu domicile (Apollinaire, Butor, Kessel, Pennac…) touchés sans doute par l’atmosphère si particulière de « cette oasis au bord de la mer, avec ses palmiers et ses forêts de mimosas », selon les mots de Romain Gary, luimême Niçois de coeur. Et quel thème plus emblématique pour faire vivre l’esprit national, à l’occasion de la première édition décentralisée des Entretiens, que celui des territoires ? La richesse des échanges l’a montré : il n’est plus possible aujourd’hui de se passer des idées qui naissent au coeur des territoires. Ceux-ci sont devenus le point cardinal du pays, là où tout se passe désormais.
L’État ne peut avancer sans les territoires. Point d’aboutissement d’une Histoire vieille de plusieurs siècles : celle d’une prise de distance progressive par rapport à l’État jacobin, la montée en puissance des territoires ne verra plus de retour
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Les territoires sont les places fortes de l’efficacité publique”
en arrière. Ils sont aujourd’hui les places fortes de l’efficacité publique. Les entreprises ont compris qu’elles peuvent trouver en dehors de la capitale des modes de fonctionnement plus agiles, des environnements créatifs, des terrains d’expérimentation ; et ont décidé de s’y implanter pour ne plus repartir. Paris n’est plus le passage obligé de la croissance. Au-delà de la dimension économique, la montée en puissance des territoires est aussi celle des cultures locales. L’âme nationale s’enrichit de la mosaïque bigarrée de chaque territoire. On lit aujourd’hui les éditoriaux de la presse régionale au même titre que la presse parisienne.
Mais le processus de décentralisation, jamais achevé, aussi enthousiasmant qu’il soit, apporte son lot d’enjeux. Il reste en effet à la France et à la capitale, à la centralité et au jacobinisme, d’accepter véritablement ce changement de paradigme. C’est bien là que se trouve le vrai défi. À la question « quand viendra la fin de l’état jacobin ? », la réponse est à mes yeux toute trouvée : lorsque l’État lui-même aura compris qu’il n’est plus en mesure d’être celui qu’il veut être sans les territoires. Quand
Jérôme Chartier, président fondateur des Entretiens de Royaumont, partenaires des Entretiens de Nice.
il aura accueilli les attentes des territoires, leurs besoins d’écoute et de concertation. Les exemples ne manquent pas : à quand, ainsi, un plan industriel mené de concert avec les territoires ? À quand encore, la prise en compte de l’efficacité des territoires en matière de gestion de crise ? À quand, enfin, la reconnaissance de leur capacité à saisir intimement les besoins de leurs populations ?
Du côté des territoires, cela ne fait aucun doute - et les Entretiens de Nice l’ont conforté : les volontés sont là. L’énergie, l’enthousiasme, et l’ambition, tout autant.
Les territoires, ce sont aussi les projets qui naissent et se développent sans Paris et parfois contre Paris, et qui prouvent qu’il n’est plus indispensable de « monter » à la capitale pour gravir les marches de l’escalier social. C’est ici que le pont se crée entre les Entretiens de Nice et ceux de Royaumont, qui se tiendront les 3 et 4 décembre sur le thème, si puissant et si sensible, de la Méritocratie ; dont la coprésidence est assurée par Madame la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, la Diversité et l’Égalité des chances, Elisabeth Moreno.
Les territoires représentent aujourd’hui un vivier d’opportunités qu’il faut s’attacher à alimenter et à valoriser. Il faut s’atteler à faire en sorte qu’un Rastignac n’ait jamais plus besoin de clamer « A nous deux Paris ! » mais qu’il fasse carrière et rayonne à
Angoulême ou à Nice. Qu’un Georges Duroy, alias Bel-Ami, n’ait plus besoin de percevoir la capitale comme seul lieu possible d’ascension sociale, mais qu’il ait les moyens de s’accomplir à Canteleu, en Normandie. Travailler à garantir l’égalité des chances en brisant, non seulement les barrières sociales et psychologiques, mais aussi les barrières géographiques, qui brident l’ambition de la jeunesse, c’est garantir la continuité de la Nation.
Car un jeune ayant bénéficié des dispositifs d’aide de son village, de sa commune, de sa métropole, ne pourra que conserver un sentiment de gratitude extrêmement puissant, et vouloir aider à son tour, et contribuer à faire rayonner son lieu d’origine. Mais il faut, pour que les territoires ne perdent pas leurs talents, s’en donner les moyens. S’attacher à enrichir et maintenir un modèle social qui permette aux Français et à leurs enfants de réussir.
De ce lien entre méritocratie et territoires, il apparaît que l’opposition stricte entre les collectivités d’un côté et la capitale de l’autre n’a plus lieu d’être. Entre territoires et État, entre collectivités et Paris, l’heure doit être désormais aux dialogues constants et aux allers-retours permanents.
Les Entretiens de Nice en sont la preuve : c’est la recherche d’enrichissement mutuel entre État et territoires qui consolidera la Nation. »