« Le thème des frontières a fait une entrée fracassante dans la campagne présidentielle »
Gilles Kepel, politologue, auteur et professeur à Sciences-Po Menton
Gilles Kepel, auteur de l’ouvrage Le prophète et la pandémie, paru chez Gallimard en février, a dévoilé, vendredi, le thème de la prochaine édition des Entretiens de Nice : les frontières.
Les frontières, un thème qui vous est cher…
Ce thème, j’y suis sensible comme spécialiste du monde arabe, car j’ai travaillé sur les questions de flux d’idées, d’hommes, de migrations et de djihadistes. Vivant à Menton, c’est aussi quelque chose que j’observe quotidiennement. Le hasard a voulu que juste avant de venir aux Entretiens de Nice, je me suis arrêté dans la cour du collège Vernier, où mes parents se sont mariés en , ma grand-mère étant institutrice dans ce qui était à l’époque une école. Les enseignants m’ont demandé de m’adresser aux élèves et j’ai découvert qu’il y avait nationalités. On est en plein dans l’interaction entre le territoire et les frontières. J’en suis moi-même une illustration puisque je suis originaire par ma mère de Gorbio mais mon grand-père est arrivé de Prague en France en pour traduire Apollinaire en tchèque.
La frontière sera immanquablement le thème phare de la campagne présidentielle ?
Il a même fait une entrée fracassante avec la montée très rapide dans les sondages d’Éric Zemmour, qui martèle incessamment le thème de l’islam et de l’immigration qui signifie que, quelle que soit la teneur de ses propos, il catalyse un certain nombre d’inquiétudes et d’angoisses identitaires d’une partie de la population qui ne sait pas comment les exprimer.
Les frontières sont au coeur de l’actualité depuis un an comme l’analyse votre dernier ouvrage.
La pandémie a changé la donne sur le plan énergétique. Le pétrole, descendu à moins dollars le baril, a inquiété les pétromonarchies qui sont convaincues qu’il faut passer aux énergies renouvelables, ce qui veut dire acquérir de la technologie. Or, le plus gros fournisseur de technologie High-Tech dans la région, c’est Israël. Tout ça amène des bouleversements considérables qui se traduisent par des flux migratoires renouvelés. Ce vendredi, nous avons commémoré l’assassinat de Samuel Paty, décapité par un homme d’origine tchétchène. On est encore dans des enjeux qui viennent au-delà des frontières. C’est ce phénomène, que j’ai appelé le djihadisme d’atmosphère, qui prend la suite de Daesch. Daesch dont on juge les méfaits lors du procès des attentats du novembre. Plus grand procès de l’histoire judiciaire française par sa durée puisqu’il va se courir audelà de la présidentielle, et donc peser sur cette élection.