Schizophrénie :
Alors que l’accès aux soins et la santé mentale des Français se sont fortement dégradés dans le contexte anxiogène lié à la pandémie de la Covid-19, l’équipe Profamille du Centre Hospitalier Sainte-Marie à Nice continue de proposer son programme de psycho-éducation aux familles de proches atteints de schizophrénie. Rencontre avec cette équipe coordonnée par Marie-Dominique Ginez.
Quel recul avez-vous sur Profamille ?
Cela fait ans que nous sommes impliqués dans ce programme canadien d’accompagnement des familles. Et nous avons pu fournir la preuve des bénéfices pour elles, mais aussi, par voie de conséquence, pour le proche souffrant de schizophrénie. C’est de toute façon à cette seule condition que nous restons certifiés.
Quels paramètres suivez-vous pour évaluer les bénéfices pour les familles ?
Ils sont nombreux, très divers et répondent à ce qui est prévu dans le programme originel : douleurs, arrêts de travail, prise de médicaments, séparation pour ce qui concerne les couples parentaux (cette issue est assez fréquente lorsque la maladie fait intrusion)… Tous ces paramètres sont mesurés en début de programme, puis fois au cours des trois années d’accompagnement. À ces évaluations, s’ajoutent des questionnaires sur les proches, familles, et patient.
Que révèlent généralement ces questionnaires ?
On retrouve souvent au départ ce sentiment partagé que tout déborde, qu’il n’y a plus de limites… Les tensions sont telles que cela va jusqu’à l’évitement du proche malade.
Celui-ci est-il invité à participer à certaines séances ?
Non, il n’est jamais là, c’est vraiment un temps pour les familles. Par contre, des questionnaires lui sont transmis, l’interrogeant notamment sur sa perception de ses proches.
Comment les choses évoluent-elles au fur et à mesure du déroulement du programme ?
Une grande majorité de familles déclare aller mieux dès la première année. Plus rarement, certaines, en prenant conscience de leur propre fonctionnement, peuvent se sentir un peu moins bien au début du programme. Mais une psychologue est présente pour réguler, et de façon générale, la situation s’améliore au cours des deux années suivantes.
Ces familles sont-elles exclusivement composées de couples de parents ?
Non. Il peut s’agir de frères et soeurs du patient, de grands-parents, de parrains… Nous avons même eu une famille d’accueil. Dans tous les cas, il s’agit de proches de la cellule familiale.
Qui sont ces personnes atteintes de schizophrénie autour desquelles les familles sont mobilisées ?
Le profil a beaucoup évolué depuis le lancement du programme, il y a ans. Au départ, le recrutement se faisait essentiellement via l’Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques, Ndlr) et il s’agissait le plus souvent de malades vieillissants. Aujourd’hui, il arrive même que nous soyons sollicités par les hôpitaux pédiatriques pour des mineurs. En effet, il n’existe pas à ce jour de formation aux aidants de jeunes psychotiques, et les familles se retrouvent démunies.
N’êtes-vous pas encore plus efficaces lorsque vous intervenez auprès des familles de ces jeunes patients ?
Pas vraiment. Souvent, ces très jeunes enfants n’ont pas de diagnostic et sont à un stade aigu de la maladie. Ce ne sont pas les meilleures conditions pour que la famille s’implique dans une longue formation.
Combien de familles accompagnez-vous ?
Environ proches par an, ce qui est très insuffisant par rapport aux besoins : plus de familles sont concernées dans le seul département des A.-M. Mais il faut à tout prix que ce programme soit poursuivi. L’enjeu est trop important. Pour les familles qui n’ont pas l’opportunité de participer au programme, et pour leur proche malade, c’est une vraie perte de chances : les problèmes de communication s’enkystent, il y a beaucoup de violence verbale, et plus grave encore, la perte d’espoir.
Ce programme est une formation structurée et gratuite de 14 séances sur un an, qui se déroulent à l’hôpital SainteMarie. L’inscription se fait après entretiens individuels avec l’équipe. Contact : M-D GINEZ : marie-domi.ginez@ahsm.fr