Monaco-Matin

Sauvetage réussi pour le piano mécanique de Breil

Partiellem­ent détruit lors de la tempête Alex, l’instrument connu pour avoir fait danser tous les habitants quand il était installé au bar des Alpins a été remis en état par l’antiquaire du village.

- ALICE ROUSSELOT

C’est une victime de la tempête Alex pourvue d’une âme, mais son sauvetage ne pouvait être considéré comme prioritair­e. Et pour cause : c’est un bien matériel. Mais c’est aussi – et surtout – un élément du Patrimoine, cher au coeur des Breillois d’hier et d’aujourd’hui. Le piano mécanique que beaucoup ont connu au bar des Alpins vient de retrouver de sa superbe. Grâce à l’action combinée de nombreux acteurs attachés à l’objet et aux souvenirs qu’il véhicule.

Issu de la manufactur­e niçoise Nallino, il daterait des années 18801890. Le fonctionne­ment d’un tel piano sans pianiste ? C’est le site Nallino.net qui l’explique le mieux : « Le principe des pianos automatiqu­es ressemble fort à celui des boîtes à musique : un cylindre en bois clouté tourne sur lui-même, entraîné par un moteur à ressort spiral ; les clous décollent les marteaux des cordes, et une fois que le clou a échappé, un effet ressort rappelle le marteau et fait jouer la note. Une manivelle sert à remonter le ressort spiral, qui fait tourner le cylindre sur luimême en 1 min et 15 s environ. Un air dure trois tours, soit environ 3 min et 45 s. Dix airs différents sont cloutés sur le cylindre, on peut choisir l’air que l’on désire entendre grâce à une petite manivelle qui provoque la translatio­n du cylindre. » Pour en connaître davantage sur l’exemplaire breillois, c’est en revanche du côté de Georges Pomarède qu’il faut se tourner.

« Il a fait danser tous les Breillois »

« Mon arrière-grand-père l’avait acquis juste après la guerre. Son nom, Ange Ipert, est gravé sur l’instrument. Il était tenancier du bar des Alpins, et ce piano a fait danser tous les Breillois dans les années 20 », relate-t-il. Précisant que le fils d’Ange, François, était chargé de tourner la manivelle – ce qui lui valut le surnom de Tralala. « Le rouleau comportait dix chansons : valse, java, polka, scottish… Ce piano appartenai­t à la famille Pomarède ; mes parents l’avaient à la maison. Quand ils sont partis en maison de retraite, personne ne l’a récupéré. Il a été donné à la mairie de Breil, et installé dans la salle Sainte-Catherine. » Mais cette terrible nuit d’octobre 2020, l’eau est montée au-delà des 2,20 mètres dans la chapelle désacralis­ée. Inondant le bel instrument. « On ne pensait pas pouvoir le récupérer, reconnaît Georges Pomarède. Mais le maire a estimé que c’était dommage, dans la mesure où il appartient au patrimoine du village.

L’antiquaire du village, qui est fort dans ce domaine, a été chargé de le restaurer. Et il l’a fait de manière magnifique. » Le Breillois souligne que le rouleau a été légèrement déformé mais que le piano est malgré tout apte à produire des mélodies. Cela ne faisait que deux ans que Konstantin Stoyanov vivait à Breil quand la bombe climatique a éclaté. Comme beaucoup de profession­nels installés sur le boulevard Rouvier, l’antiquaire en a bavé. Entre autres parce qu’il faisait des brocantes sur toute la Côte d’Azur et que les difficulté­s rencontrée­s pour accéder à la Roya ont freiné son activité. « J’ai voulu trouver quelque chose sur place, et j’ai donc proposé de participer au programme de rénovation de l’héritage culturel. » De travailler sur les objets classés perdus... ou presque. Outre le piano mécanique, Konstantin s’est ainsi chargé de bichonner un piano droit et un orgue électrique.

Une valeur affective pour les habitants

« À la base, je suis ébéniste. J’ai commencé les restaurati­ons avec des meubles de style. Maintenant, je travaille sur tout ce que je sens comme réparable. Ma femme m’aide beaucoup. De même que mon fils, qui est musicien profession­nel. Je compte sur lui pour l’accordage. » Quand il s’est rendu au chevet du piano des Alpins, l’antiquaire n’imaginait pas vraiment que ce dernier avait une telle valeur affective pour les habitants. «Jene savais pas que les gens seraient autant touchés de le retrouver. J’en suis heureux, j’ai reçu beaucoup de mots chaleureux. » Parmi eux, on citera les remercieme­nts de Jean-Claude : « Il y a des choses créées il y a longtemps avec amour et passion qui ne doivent jamais se perdre. Heureuseme­nt que cette passion existe encore pour remettre en état un tel trésor presque perdu, comme beaucoup d’autres quand Alex a dévasté la vallée. »

 ?? (Photos DR) ?? Grâce à Konstantin et aux services de la mairie, les Breillois ont pu retrouver « leur » piano.
(Photos DR) Grâce à Konstantin et aux services de la mairie, les Breillois ont pu retrouver « leur » piano.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco