-Juillet : la Cour convaincue qu’un second attentat était bien en préparation à Nice
« Le terroriste avait en tête la préparation d’un second projet d’attentat qui impliquait nécessairement des tiers à ses côtés. » Telle est l’une des principales conclusions de la Cour d’assises spécialement constituée de Paris, à l’issue de plus de trois mois d’audience. Mardi 12 décembre, la Cour a reconnu coupables les huit accusés jugés pour l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice. Trois jours après le verdict, elle a communiqué aux parties concernées ses motivations. Nice-Matin a pu en prendre connaissance.
Aux yeux de la Cour, entièrement constituée de magistrats professionnels, l’entente terroriste ne se cantonne pas au seul attentat du 14-Juillet. Son bilan est déjà effroyable : 86 morts dont 15 mineurs, plus de 450 blessés, 2 500 parties civiles constituées. Mais dans ses motivations, la Cour acte « l’existence d’un second projet criminel ».
Thèse controversée
Un nouvel attentat était-il prévu le 15 août 2016 ? La Kalachnikov découverte lors des perquisitions devait-elle servir à cette fin ? Lahouaiej-Bouhlel comptait-il sur des « associés » pour semer la mort à leur tour ? Cette thèse a été débattue au cours du procès. « Projet terroriste imaginaire », a tranché la défense. La Cour ne partage pas cet avis. Malgré les doutes exprimés jusque dans les rangs des enquêteurs, elle écarte l’hypothèse d’une « manipulation perverse » d’un tueur désireux d’emporter son entourage dans sa chute.
Il y a, déjà, ce SMS qu’il envoie à Ramzi Arefa - le troisième accusé principal - juste avant de lancer son 19-tonnes sur la Prom’ (1). Le tueur y évoque l’acquisition de cinq nouvelles armes pour « Choukri et ses amis », lesquels « sont pris pour le mois prochain » (sic). Cet étonnant message comporte bien des erreurs factuelles, mais aussi des éléments fondés, remarque la Cour. Il y a aussi ces messages envoyés une semaine plus tôt par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel depuis le portable de son beau-frère Hamdi Z. : « 14.7.7.16 » et « 15.8 ». 14 juillet, puis 15 août, autre date des festivités de la Prom’ Party. Ghraieb, le destinataire de ces messages, y répond par un «?» Parce qu’il n’en saisit pas le sens ? Plutôt parce que ce numéro de téléphone ne figure pas parmi ses contacts, estime la Cour. Autre message problématique : celui envoyé par Lahouaiej-Boulhel à Chafroud deux heures avant l’attentat. « Je suis sur la prom viens je te passe... C pour... 159 ». Chafroud a nié avoir rencontré le terroriste sur la Prom’ ce soirlà. Sans convaincre. La Cour pense qu’il a reçu une somme d’argent destinée à acheter des armes. De quoi passer à l’action le « 15.8 »... ou le « 159 », en admettant qu’il y ait eu faute de frappe. Pour financer cet achat d’armes, Lahouaiej-Bouhlel aurait remis à Chafroud 3 450 euros en liquide : 2 000 euros issus de la vente de sa voiture à Ghraieb la veille de l’attentat, complétés par plusieurs retraits en espèces. « Cet argent n’a pas été découvert (...), ce qui établit nécessairement qu’il l’a remis à quelqu’un avant de passer à l’acte. »
En conjuguant ces éléments à ceux qui accablent Chafroud, la Cour conclut à « l’existence d’un second projet terroriste aux contours encore imprécis ». Chafroud aurait dû y « occuper un rôle central. » Elle valide ainsi les conclusions du pôle pénal constitué par des avocats niçois partie civile. Dès mardi, le président de la Cour, Laurent Raviot, avait toutefois rappelé « toutes les zones d’ombre » qui subsistent dans cette affaire, « beaucoup d’éléments essentiels pouvant être interprétés dans un sens ou dans un autre ».